Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 238

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LES CONTROvERSES

être surmontée en ébauchant les lignes directrices de chaque notion, et
surtout, en s'efforçant de comprendre les visions juridiques qui président
à la structuration de l'argumentation.
Alejandro Guzmán a donné de précieuses indications sur la dénomination du droit-faculté comme « subjectif », en partant lui aussi de la
discussion entre villey et Tierney100. Il souligne que le point décisif dans
cette recherche n'est pas l'existence de facultés ou de pouvoir des individus,
mais le fait de les reconnaître comme des droits101. Sans doute peut-on
déjà déceler des manifestations de droits subjectifs dans le droit romain,
sous la forme de verbes comme potest, licet, ou de substantifs tels facultas
ou potestas102, mais on ne trouve cependant ni dans les textes juridiques
romains, ni chez les compilateurs justiniens une définition de ius comme
un pouvoir ou une faculté des personnes103. Cela ne prouve pas que la
notion de droit subjectif n'existât pas à ce moment-là, mais permet au
moins d'affirmer qu'elle n'avait pas encore de nom juridique spécifique104.
Du point de vue de la méthodologie, la distinction à laquelle nous invite
Guzmán, est d'une grande utilité. Dissocier l'existence de la notion, sa
manifestation juridique et sa dénomination comme droit subjectif permet
sans doute d'éviter bien des équivoques : les notions de potestas et de facultas
peuvent exister, sans être pour autant assimilées au droit, et la notion de
droit subjectif peut avoir une efficacité juridique, sans pour autant faire
l'objet d'un nom spécifique.
Ces clarifications de Guzmán appellent une autre remarque. Il serait en
effet possible de distinguer une étape ultérieure, celle où le droit subjectif
occuperait tout l'horizon des conceptions juridiques, en renfermant le droit
dans la sphère de la potestas, et en le fusionnant de façon exclusive avec la
notion de facultas. Cette éclipse totale du sens réaliste serait pour Hervada
le moment le plus significatif de l'histoire du droit subjectif. Ainsi, parler
de conception subjective du droit au cours d'une période signifierait que

100. « Historia de la denominacion del derecho-facultad como subjetivo », in
O. Condorelli (dir.), Panta rei. Studi dedicati a Manlio Bellomo, Rome, Il Cigno, 2004,
t. II, p. 525-558.
101. Ibid., p. 525.
102. Guzmán fait référence aux articles de G. Pugliese, « Res corporales, res incorporales
e il problema del diritto soggettivo », loc. cit. ; A. D'Ors, « Aspectos objetivos y subjetivos
del ius », in Nuevos papeles del oficio universitario, Madrid, Rialp, 1980, p. 280 et s. On
pourrait aussi ajouter l'article de Donahue, précédemment cité.
103. L'auteur fait en particulier référence à un texte de Paul, dans lequel se trouvent
répertoriés les différents sens de ius, mais jamais Paul n'y parle de potestas ou facultas, et
il est hautement improbable que si cela eût été une acception possible, il ne la mentionnât
pas : Digeste (D. 1. 1. 11).
104. « Historia de la denominacion del derecho-facultad como subjetivo », loc. cit., p. 527.

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