Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 185

Le droit global comme infléchissement des droits existants

2. Modification des rapports conceptuels
89. 1º. Il est bien évident que c'est la netteté de la distinction entre le
droit international et le droit interne qui est altérée.
Comme on l'a vu, la garantie théorique du domaine de la souveraineté et
des affaires intérieures par l'article 2§7 de la Charte de l'ONU n'empêche
plus de considérer des événements politiques purement internes comme
des affaires internationales : lorsque la violation des droits fondamentaux
atteint un certain seuil de gravité, les Nations unies tendent à considérer
que l'affaire cesse d'être intérieure13. Comme le dit un politiste, il y a un
brouillage croissant de la ligne de séparation entre affaires extérieures et
affaires intérieures14.
Dans le registre voisin de la protection des droits fondamentaux, on
atteint, ainsi que le fait remarquer Frédéric Sudre15, le niveau d'une véritable « négation de la théorie des deux sphères sur laquelle s'est édifié le
droit international classique ». Lorsqu'un tribunal interne applique l'article
6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, applique-t-il du
droit international ? Du droit interne ? On ne peut plus le dire.
Le droit de l'Union est évidemment l'illustration maximale de l'altération
de la distinction. Droit international par ses racines, il fait partie intégrante
des droits internes. En lui, la distinction est quasiment annulée16.
2º. Une réflexion plus poussée sur les rapports conceptuels entre le
droit international et le droit interne fait découvrir un autre axe de questionnement.
Jusqu'à maintenant, il existait un certain rapport stéréotypique entre le
droit international et le droit interne, qui voyait le premier comme placé
dans une sorte d'état d'enfance, d'immaturité, dans l'attente de son accès
au statut plein de système juridique, que le droit interne était censé incarner.
Ces images respectives peuvent-elles perdurer dans la globalisation
juridique ? Cela n'est pas certain, au moins parce que, dans ses formes les
plus perfectionnées - l'ordre de l'UE, le droit de la Convention européenne...
-, le droit international se montre apte à gérer des situations extrêmement
complexes, là où les systèmes juridiques étatiques peinent souvent à maîtriser la complexité des sociétés dont ils ont la charge.
La globalisation paraît concourir ici à une évolution des rapports entre
les modèles, voire à une inversion des paradigmes.
13. Gérard COHEN-JONATHAN, « Droits et devoirs internationaux des individus », in Denis ALLAND
(dir.), Droit international public, PUF, 2000.
14. Philippe MOREAU DEFARGES, L'ordre mondial, Armand Colin, 2000, p. 155.
15. Droit international et européen des droits de l'homme, précité, p. 43.
16. Société française pour le Droit international, Droit international et droit communautaire.
Perspectives actuelles, Pedone, 2000, p. 108 et s.

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