Clefs - Une société de communication ? - 6e - 50

Généalogie du discours communicationnel

avec des professeurs en poste ailleurs, mais grassement payés pour
signer sous le nom de leur sponsor. Se fixant sur le rôle des réseaux
sociaux dans les mobilisations, l'universitaire Turque Tufekci (2017)
soutient, de façon consistante, une thèse à la fois ferme et nuancée.
Oui, les réseaux sociaux permettent des mobilisations rapides, explosives et puissantes ; ils offrent aux groupes mobilisés un outil de
coordination très performant. Mais ne voir que cela fait oublier leurs
effets négatifs, voire catastrophiques, sur l'incapacité à décider et
négocier, à doter le mouvement d'une direction capable d'adaptations
stratégiques.
La façon dont les technologies de la communication sont désormais objet de politiques publiques symbolise ce virage critique.
Elles restent pensées comme des appuis décisifs du dynamisme
économique, de l'accès universel à une foule de services et de connaissances. Simultanément les GAFAM apparaissent de plus comme des
menaces (par l'exploitation abusive des données personnelles des
internautes, l'indifférence à la circulation de contenus haineux, la
circulation d'infox) ou des monopoles abusifs, voire immoraux par
leurs manœuvres pour échapper à l'impôt.

Retour sur une généalogie
À l'instant de clore cette généalogie un flou sémantique mérite
d'être rappelé. Les notions d'information, de connaissance concurrencent celle de communication quand il s'agit de définir le référent
central des sociétés contemporaines. « Information » est plus volontiers
sollicité par les agents économiques, « société de la connaissance » a
les faveurs de l'Union européenne. Quel lexique l'emportera ? Le dire
relèverait de la prophétie. Notons le dénominateur commun de ces
notions dans le rôle des savoirs et data, la place du symbolique dans
tout la vie économique et sociale. Et prenons le risque de souligner que
« communication » a l'atout d'un spectre sémantique plus riche, moins
technique qu'« information », moins austère que « connaissance » ou
« savoir », plus fort des connotations de la rencontre, de l'échange,
du partage. Avec cet arôme spirituel, cette composante affective, la
communication tient encore la corde pour désigner ce qui serait le
cœur du vivre-ensemble contemporain.
En ouvrant ce chapitre, on invitait à une lecture sociologique des
discours communicationnels, à une histoire sociale des idées. Ce
parcours n'a pu appliquer ce programme que de façon elliptique, il a
néanmoins cherché à souligner que l'histoire de la prophétie communicationnelle est inséparable d'une histoire tout court, où jouent
percées technologiques, mutations sociales, évolutions politiques.
La description de la construction du grand récit communicationnel ne

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