Bibliothèque de droit privé - Tome 601 - Le consentement de la personne morale - 57

L'extériorisation de la volonté par les organes représentants

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envisageable de leur conférer un droit à la vie, un droit au mariage ou encore un
droit à la dignité74. Le droit à la vie privée des personnes morales a récemment été
écarté par la Cour de cassation75.
L'impossibilité tient ici à la nature des choses, ces droits étant inhérents à la
personne humaine et n'ayant de raison d'être que s'ils sont rattachés à celle-ci76.
Ces limites d'ordre naturel aux droits de la personne morale se manifestent dans
divers domaines. Pour exemple, le bailleur d'un logement d'habitation, lorsqu'il
est une personne morale, ne bénéficie pas du droit de reprise du logement pour
l'habiter prévu à l'article 15 de la loi du 6 juillet 198977. La solution se justifie dans
la mesure où la personne morale ne peut habiter physiquement le logement et
qu'elle n'a pas de famille à y loger. C'est encore la nature des choses qui explique
que la personne morale ne puisse se prévaloir de la qualité d'auteur au sens de
l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle et artistique78, lequel se
réfère expressément aux « qualités humaines » de l'auteur79. La nature nonhumaine de la personne morale constitue donc un obstacle dirimant à la jouissance de certains droits. On peut cependant observer que la personne morale se
voit reconnaître un nombre croissant des droits subjectifs80 et même des droits et
libertés fondamentaux81. Cette tendance à l'extension des droits et libertés
octroyés aux personnes morales s'effectue d'ailleurs au risque d'une dégradation
de la notion même de droits de l'Homme82.
74. N. MATHEY, « Les droits et libertés fondamentaux des personnes morales de droit privé »,
RTD civ. 2008.205 : « Une personne morale ne peut se plaindre ni d'actes de torture, ni de traitement
inhumains et dégradants. En effet, la dignité est destinée à garantir l'intégrité physique et morale de la
personne humaine, ce qui ne peut valoir pour une personne dépourvue de corps sensible ».
75. Cass. 1re civ., 17 mars 2016, n° 15-14072, Bull. civ., I ; RTD civ. 2016.321, obs. J. HAUSER ;
BJS, juin 2016, p. 314, note D. PORACCHIA : « si les personnes morales disposent, notamment, d'un
droit à la protection de leur nom, de leur domicile, de leurs correspondances et de leur réputation,
seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9
du code civil, de sorte que la société ne pouvait invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite
résultant d'une telle atteinte ».
76. B.  TEYSSIÉ, Droit des personnes, LexisNexis, 14e  éd., 2012, n°  931 : « Inséparables de
chaque être humain, les droits de la personnalité ne sauraient être offerts à d'autres qu'aux êtres
humains ».
77. Cass. 3e civ., 7 févr. 1996, n° 93-20135, Bull. civ., III, n° 35. La solution résulte d'une lecture
a contrario de l'article 13 qui prévoit les cas exceptionnels dans lesquels certaines personnes morales
peuvent bénéficier de ce congé.
78. Cass. 1re civ., 19 févr. 1991, n° 89-14402, Bull. civ., I, n° 67. V, défendant la possibilité de
reconnaître la qualité d'auteur à la personne morale : F. FOUILLAND, « L'auteur personne morale,
éléments pour une théorie de l'emprunt de la personnalité artistique », CCE, 2008, étude 24.
79. V. cependant : Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-10132, Bull. civ., I, n° 70, D. 2012.1246,
obs. J. DALEAU, CCE, 2012, comm. 61, note C. CARON ; Rev. sociétés 2012.496, note N. BICTIN ;
RTD civ. 2012.338, obs. T. REVET ; RTD com. 2012.321, obs. F. POLLAU-DULIAN. La personne
morale à l'initiative d'une œuvre collective est investie des droits de l'auteur sur cette œuvre et,
notamment, des prérogatives du droit moral.
80. Pour une présentation générale des droits de la personnalité  des personnes morales :
D. GAZEAU, Les droits de la personnalité des personnes morales de droit privé, LGDJ, 2011 ; F. PETIT,
« Les droits de la personnalité confrontés au particularisme des personnes morales », D.  aff.  1998,
n° 117, p. 826.
81. Pour une présentation générale, v. N. MATHEY, « Les droits et libertés fondamentaux des
personnes morales de droit privé », préc.
82. Pour une critique de l'application des droits et libertés fondamentaux aux personnes
morales : V.  WESTER-OUISSE, « La jurisprudence et les personnes morales : du propre de
l'homme aux droits de l'homme », préc ; G.  LOISEAU, « Des droits humains pour des personnes
non humaines », D. 2011.2558 : « Sous couvert d'égalité des êtres humains et des non humains, la

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