Systèmes - Les impôts sur le patrimoine de 1789 à nos jours - 81

1901-1917 : l'avènement de l'impôt progressif, une nouvelle conception de l'égalité
reste réel et indiciaire quant à son assiette. L'impôt sur les RCM
demeure, lui, pleinement réel et apersonnel.
B. La loi du 15 juillet 1914 et la soumission des revenus
du patrimoine à l'impôt progressif
Si, à la charnière des deux siècles, la progressivité n'est acceptée
par les chambres qu'avec la promesse de Poincaré de ne l'appliquer
qu'aux successions et non à un impôt annuel sur le revenu, ce compromis
ne dure guère. La Chambre a déjà adopté, en mars 1896, un
projet d'impôt général et progressif sur les revenus présenté par le
ministre des Finances Paul Doumer. C'est un basculement dans les
conceptions fiscales de la nation : pour la première fois, les opposants
à l'impôt personnel, à la progressivité et à « l'inquisition fiscale
» de la déclaration ne sont plus majoritaires. Mais le Sénat
refuse de voter le projet en avril, conduisant à la démission du président
du conseil Léon Bourgeois. C'est avec Caillaux que le débat
refait surface, d'abord en 1900 puis en février 1907 avec sa proposition
tendant à l'établissement, en sus des impôts cédulaires remplaçant
les quatre vieilles, d'un impôt général, personnel, annuel et
progressif sur le revenu global. Ce projet est adopté en mars 1909
par la Chambre, mais là encore bloqué par le Sénat. Face à cette
opposition, Caillaux brandit la menace de l'impôt sur le capital, en
déposant en janvier 1914 un projet de loi frappant les fortunes supérieures
à 30 000 francs d'un impôt annuel à taux progressif mais
modéré (0,25 % maximum)54
. Le 29 mars, les sénateurs adoptent la
réforme déjà évoquée limitée aux impôts sur les revenus fonciers et
mobiliers puis, dans un contexte de préparation de la guerre et à la
suite des élections législatives de mai qui voient la victoire des radicaux
et socialistes, votent l'« impôt général sur le revenu » par une
grande loi du 15 juillet 1914. Reporté d'un an par le ministre Alexandre
Ribot55
, il entre finalement en vigueur le 1er janvier 1916.
Comme pour les droits de succession quatorze ans plus tôt, l'accord
du Sénat est obtenu au prix d'un compromis. En premier lieu, le
taux maximal, porté à 5 % par la Chambre contre 4% dans le projet
54. Projet de loi ayant pour objet l'établissement d'un impôt annuel sur le capital, présenté à
la Chambre lors de la séance du 15 janvier 1914. Il s'agit d'un impôt déclaratif sur le capital
mobilier et immobilier, net des dettes. Le député radical Jean Javal avait déjà formulé
une proposition en ce sens en 1910 pour financer la loi sur les retraites ouvrières et paysannes
(cf. N. Delalande, op. cit., p. 238).
55. Loi du 27 déc. 1914, art. 5. L'impôt général sur le revenu est perçu pour la première fois
en mars 1916, sur les revenus de l'année 1915.
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