Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 178

INTRODUCTION AU DROIT EUROPÉEN
européenne a considéré qu'une telle restriction n'était pas nécessaire dans
une société démocratique, refusant ainsi le renforcement législatifde groupes
de pression faisant contrepoids aux revendications capitalistiques (v. par ex.
CEDH, 11janv. 2006, nº 52562/99 et 52620/99, Sørensen et Rasmussen c/
Danemark).
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme veille avec
attention au respect du pluralisme, et attache une importance particulière au
respect des libertés d'expression, de réunion et d'association lorsque leur
bénéfice est revendiqué par l'opposition politique. Mais elle n'a pas garanti
le maintien des opinions non-dominantes, ni imposé aux États des obligations
positives permettant l'audience réelle des autres idées, ni la sauvegarde de
leurs défenseurs, ni le financement de leurs réunions. Le pluralisme pratique
européen a été réduit à la pluralité des prétendants au pouvoir, entendue
comme la concurrence des personnalités prêtes à servir l'idée unique qui
s'est installée en Europe. Les conditions d'exercice du droit aux élections
libres en sont le reflet.
3. Le droit aux élections libres
153. La garantie civique des processus électoraux était absente du
texte originaire de la Convention, mais elle a été introduite dès l'adoption
du (premier) protocole, en son article 3 : « Les Hautes Parties contractantes
s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections
libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression
de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif ».
Seules les élections législatives, destinées à élire les membres du parlement,
sont visées par le texte, ce qui exclut les élections régionales, municipales
et locales, d'abord, les éventuelles élections de chef de l'exécutif
ensuite, et les référendums enfin. Mais le concept de « corps législatif» est
une conception autonome, ce qui n'exclut pas, en principe, que la Cour
« requalifie » un processus électoral exécutif, référendaire ou local en élection
à un corps législatif, en considération notamment des prérogatives réelles de
l'organe en cause. La Cour a considéré, du reste, que l'organisation nationale
d'un scrutin international (l'élection au Parlement européen) devait être
régie par le droit aux élections libres (CEDH, 18 févr. 1999, nº 24833/94, Matthews
c/Royaume-Uni).
Comme pour la liberté d'opinion, et les libertés d'expression, de réunion et
d'association qui en sont les corollaires, le droit aux élections libres ne se
conçoit pas sans le pluralisme. Et la Cour a été d'une vigilance particulière à
l'endroit des restrictions à l'expression de l'opposition.
S'agissant des partis politiques, la Cour a fini par censurer les interdictions
frappant les partis communistes (v. par ex. CEDH, 30janv. 1998, nº 133/
1996/752/951, Parti communiste unifié de Turquie et al. c/Turquie). Si elle
admet des restrictions au droit de vote basées sur des considérations objectives
jugées « raisonnables » comme l'âge ou la nationalité (mais ce n'est qu'au
regard des particularités géographiques et historiques de la Nouvelle Calédonie
que la Cour a admis les restrictions fondées sur la résidence résultant des
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