Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 97

L'intégration économique européenne
classique : un État, une voix, accord de tous les membres (i.e. défaut d'opposition
individuelle à la proposition négociée, ou « consensus », comme au
Conseil de l'Atlantique Nord ou au Comité des ministres du Conseil de
l'Europe).
2. Le vote
81. Les modalités de vote au sein de l'ancien Conseil des ministres ont
fait l'objet d'une histoire assez tourmentée, ponctuée de divergences
significatives entre les membres. Dans le système originaire, les décisions
importantes devaient être adoptées suivant le modèle intergouvernemental
classique (un État, une voix, accord de tous), qu'on traduit généralement
par le concept, un peu réducteur, d'« unanimité ». Mais le vote majoritaire,
conçu dès l'origine, était appelé à se substituer à l'unanimité.
L'enjeu pour les États est crucial, c'est le droit d'objecter, c'est-à-dire le
pouvoir légal de se rendre individuellement inopposable une décision
non souhaitée. En 1965, le président De Gaulle avait fait du maintien de
cette prérogative étatique classique une question de principe. Opposée au
passage de l'unanimité à la majorité qualifiée pour les questions jugées
significatives, la République française avait alors décidé de suspendre sa
représentation effective au sein du Conseil des ministres - pratique dite
de la « chaise vide ». Le fonctionnement des Communautés s'en était
trouvé profondément affecté et, pour sortir de ce contentieux, les États
membres étaient convenus le 30janvier 1966 d'une solution appelée
« compromis de Luxembourg ». En vertu de cet accord international, lorsqu'une
question débattue au sein du Conseil des ministres met en jeu un
intérêt essentiel d'un État membre et que celui-ci est opposé à la solution
souhaitée par la majorité, alors les autres États, au lieu de procéder à un
vote et d'essayer d'imposer la volonté majoritaire, continueront de négocier
en vue de trouver une solution acceptable par l'État qui s'est opposé
au vote.
Cette solution est la synthèse du génie institutionnel de la construction
européenne : le compromis de Luxembourg n'avait pas un statut juridique
clair, et ne permettait pas de résoudre ce que la négociation n'aurait pas
réussi à aplanir. Et pourtant, engagés par le compromis, les États membres
l'ont respecté et, c'est sur sa base, profondément interétatique et diplomatique,
que les avancées historiques de la construction européenne ont été
bâties, avec l'accord de tous.
Avec la fin du bloc communiste, les Communautés ont perdu leur adversaire,
le COMECON ; et peut-être une partie de la prudence qu'il provoquait.
Elles en ont, en tout cas, pris progressivement et partiellement la place. Sous
l'angle procédural, l'élargissement rendait l'unanimité plus difficile, tandis
que sur le fond, la victoire du camp capitaliste rendait idéologiquement
impossible toute opposition au « développement » de la politique victorieuse.
Dans ce contexte, le maintien du compromis était en péril : ce qui était présenté
par le président De Gaulle comme le droit (généreux) de défendre l'intérêt
général à l'intérieur de l'État, devenait la faculté (égoïste) de s'opposer
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