Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 181

Les principes humanistes : l'Europe des droits de l'homme
européen attaché à la valeur économique de l'intérêt litigieux. Ainsi, selon la
Cour, a « un objet patrimonial » en droit européen, et porte donc sur la
matière « civile » au sens de l'article 6, l'action tendant à engager la responsabilité
de l'État devant le juge administratif français sur le fondement de la
faute qui aurait résulté d'un refus de certification de la commission paritaire
chargée de la presse - ouvrant droit à certains avantages -, qui est, en droit
français, une police administrative spéciale (CEDH, 26mars 1992, nº 11760/
85, Éditions Périscope c/France). Surprenant du point de vue du droit français,
ce résultat est dans la logique internationaliste traditionnelle, qui inspire également
la jurisprudence relative au concept de propriété : ce qui compte n'est
pas la qualification nationale d'un droit mais, à le supposer établi, son insertion
dans l'activité économique. Biens, autorisations, droits contractuels,
droits à exécution d'une décision, etc. peuvent constituer des «biens », et les
actions tendant à leur mise en œuvre pourront avoir un « objet patrimonial »
suivant leur évaluation autonome européenne.
3. La matière « pénale »
158. La soumission à l'appareil répressif expose le justiciable à la puissance
publique ; c'est la raison pour laquelle l'applicabilité de la procédure
pénale nationale suffit à établir le bénéfice de l'article 6, quand
bien même l'infraction et la sanction encourue seraient de faible importance,
comme pour certaines contraventions routières du droit français
(v. par ex. CEDH, 8 mars 2012, nº 12039/08, Cadène c/France). Conformément
à la logique de l'interprétation autonome, toutefois, la matière
pénale européenne n'est pas limitée au champ des infractions confiées
aux juridictions répressives par le droit interne. Il en résulte, en sens
inverse, que le fait qu'une infraction ne relève pas de la matière pénale
au sens de la législation nationale ne suffit pas à exclure qu'elle y soit
rattachée en droit européen, au regard de sa nature et de l'importance
de la sanction qui y est attachée (CEDH, 8juin 1976, nº 5100/71 et al.,
Engel et al. c/Pays-Bas).
Nature de l'infraction et importance de la sanction sont des indices qui,
suivant les cas, peuvent être déterminants isolément, ou nécessiter une analyse
plus approfondie. On peut comprendre que la sévérité de la sanction, et
notamment l'applicabilité de peines privatives de liberté, suffit à établir la
qualification pénale ; mais en sens inverse la faible importance des sanctions
ne suffit pas nécessairement à écarter l'article 6 (CEDH, 21 févr. 1984,
nº 8544/79, Öztürk c/Allemagne, spéc. § 53). S'agissant de la nature de l'infraction,
ce qui est recherché est la fonction de la règle, notamment pour établir
si elle tend à obtenir la réparation d'un préjudice (logique civile) ou à punir et
dissuader (logique pénale). Les conditions de mise en œuvre procédurale
peuvent être déterminantes, notamment s'agissant du rôle de l'autorité
publique, distinguée de la victime. Il reste que, dans la pratique, le critère
de la gravité de la sanction est prépondérant, ce qu'on comprend tant du
point de vue substantiel (la gravité de la sanction justifie une attention accrue
dans sa mise en œuvre) que sous l'angle formel (la gravité de la sanction
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