Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 80

INTRODUCTION AU DROIT EUROPÉEN
du droit international ne se présument pas (CPJI, 7 sept. 1927, Lotus,
France c/Turquie, Rec. CPJI Série A, nº 10, p. 4-33).
Àl'opposé, l'organisation internationale ne peut rien faire, dans aucun
domaine, à l'exception des compétences et des pouvoirs qui lui ont été conférés
(« attribués ») par la volonté commune de ses membres. Cette volonté est
exprimée dans le traité fondateur, avec ses éventuelles modifications, mais
aussi par la pratique institutionnelle, acceptée par les membres, en tant qu'évolution
coutumière de l'acte constitutif (CIJ, avis du 21juin 1971, Conséquences
juridiques pour les États dela présencecontinuedel'Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité,
Rec., p. 16-58). C'est cette conception que traduit la dernière phrase de l'article
5 § 2 précité : « Toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités
appartient aux États membres ». Aux États la liberté de principe (souveraineté),
à l'organisation intergouvernementale les « compétences » que les
États membres lui ont « attribuées » (spécialité).
2. La portée de l'attribution
63. De la théorie des organisations internationales qu'elle emprunte,
la construction européenne retient des conditions limitatives encadrant
l'attribution des compétences, même si elle les adapte à son contexte spécifique
par des innovations qui lui sont propres. Cependant, si certains
éléments de la théorie des organisations restreignent effectivement l'attribution
des compétences, d'autres permettent au contraire de retenir une
approche plus souple destinée à faciliter la réalisation des objectifs de
l'Union. Il faut noter d'emblée ce qu'il y a de trompeur dans l'expression,
très fréquemment utilisée, « transfert de compétence ». Il est difficile de
considérer que les compétences sont transférées des États à l'organisation
car les compétences étatiques sont des domaines dans lesquels l'État agit
en vue de réaliser les objectifs qu'il se fixe, alors que les compétences
attribuées à l'Union sont des domaines dans lesquels elle doit agir afin
de réaliser les objectifs que les États lui imposent - l'Union est conçue
comme un instrument de réalisation d'un projet européen des États, et
donc encore l'exercice en commun d'une compétence étatique. L'article 5
§ 2 du TUE, on l'a dit, pose que « l'Union n'agit que dans les limites des
compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités
pour atteindre les objectifs que ces traités établissent ». Il en résulte que
les compétences souveraines de l'État deviennent des compétences fonctionnelles
à la suite de leur attribution à l'Union. Il est coutumier de nuancer
la portée de la nature fonctionnelle de la dévolution en soulignant la
généralité des objectifs que l'Union se voit assignés par l'article 3 du TUE
dont le paragraphe 1er
pose que : « L'Union a pour but de promouvoir la
paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples ». En réalité, il ne faut pas
se fier à la généralité des buts assignés à l'Union car l'essentiel de ses politiques
est assez étroitement prédéterminé par les traités. Ainsi, la souveraineté
monétaire nationale veut dire la possibilité de choisir la politique
monétaire souhaitée, y compris pour le « bien-être de [son] peuple ».
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