Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 59

La coopération politique européenne
défense commune. Sur cette base la France a dénoncé le traité de Bruxelles
modifié par lettre du 21mai 2010 publiée au Journal officiel en vertu du
décret nº 2011-942 du 10 août 2011. Mais le traité de Lisbonne n'apas le
même contenu que le traité de Bruxelles.
La deuxième phrase de l'article 42 § 7, en effet, prévoit que l'obligation de
défense mutuelle « n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de
sécurité et de défense de certains États membres ». Dans son obscurité rédactionnelle
cette phrase vise la position spécifique des États neutres. Elle leur
garantit le droit, absolument incompatible avec l'obligation précédente, de ne
pas venir au secours du membre agressé. L'incertitude de la rédaction avait
provoqué les réticences irlandaises et abouti au référendum défavorable au
traité de Lisbonne. Pour obtenir un deuxième vote, les États européens ont
alors garanti à l'Irlande (par décisions du Conseil européen en date des 11
et 12 décembre 2008, confirmées lors du Conseil européen des 18 et 19juin
2009) que « le traité de Lisbonne n'affecte pas la politique de sécurité et de
défense des États membres, y compris la politique traditionnelle de neutralité
de l'Irlande ». Reconnu explicitement à l'Irlande, le droit de maintenir une
politique de neutralité crée un périmètre incertain de soustraction à l'obligation
de défense mutuelle.
La troisièmephrasedel'article 42 § 7 est la raison juridique de l'impasse
que vivent durablement les projets de défense autonome européenne : « Les
engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux
engagements souscrits au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique
Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur
défense collective et l'instance de sa mise en œuvre ». Or, ces limitations à
l'obligation de défense mutuelle s'insèrent dans une limitation plus vaste,
inscrite au paragraphe 2 de l'article 42 du TUE, qui concerne la politique
européenne de défense dans son ensemble : « La politique de l'Union (...) n'affecte
pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de
certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de
l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur
défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de
l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune
de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». Sous la présidence Sarkozy,
tandis que la France rejoignait les organes intégrés de l'Alliance atlantique,
les États européens ont inscrit dans le traité fondateur la subordination de
l'action européenne à l'action atlantique. Mais le principe de cette « primauté
» atlantiste était déjà exigé des membres de l'Alliance par l'article 8
du traité de l'Atlantique Nord lui-même : « Chacune des parties déclare qu'aucun
des engagements internationaux actuellement en vigueur entre États
n'est en contradiction avec les dispositions du présent traité et assume l'obligation
de ne souscrire aucun engagement international en contradiction avec
le traité ». On ne doit pas ignorer que l'espace d'une défense européenne, s'il
existe, est confronté aux défis que posent ces limites.
Si le traité de Lisbonne a élargi aux 28 (devenus 27) le cadre de défense de
l'UEO à 10 États, il l'a considérablement affaibli. La portée de l'obligation de
défense mutuelle en devient incertaine - et son champ d'application
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