Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 81

L'intégration économique européenne
La compétence fonctionnelle monétaire de l'Union européenne, elle,
veut dire le devoir de maintenir une politique monétaire permettant « la
stabilité des prix » (entendue comme un taux d'inflation annuelle approchant
2 %). La souveraineté nationale en matière de concurrence
implique la possibilité d'établir des monopoles, favoriser les services
publics, aider les entreprises stratégiques, réglementer l'approvisionnement,
etc. La compétence européenne en la matière est la possibilité
d'adopter des mesures destinées à garantir « une concurrence libre et
non faussée ». On ne multipliera pas les exemples, mais on notera que la
désaffection des citoyens pour les processus politiques européens n'est
peut-être pas entièrement étrangère aux conditions, très limitatives, de
la fonction dévolue à l'Union, et la corrélative atrophie de la marge politique
laissée à ses décisions.
La nature fonctionnelle de l'attribution des compétences est également
sauvegardée par le « principe de proportionnalité » qui « régi[t] l'exercice »
des compétences suivant les mots de l'article 5 § 1 du TUE. Le paragraphe 4
du même article précise qu'« [e]n vertu du principe de proportionnalité, le
contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire
pour atteindre les objectifs des traités ». Précisé dans un protocole annexé au
traité de Lisbonne, le principe de proportionnalité est l'accessoire du caractère
fonctionnel des compétences de l'Union dont il est la conséquence
logique. Parce que les compétences souveraines ne sont pas transférées, et
puisque les compétences de l'Union sont destinées à la réalisation des objectifs
assignés, alors la légalité de la mesure adoptée par l'Union est conditionnée
par sa nécessité en vue de la réalisation des objectifs convenus. Certes,
sur ce point la marge d'appréciation laissée à l'Union peut paraître importante
mais il faut la mesurer à l'aune de la restriction qu'implique, en
amont, la nature fonctionnelle des compétences.
De la spécialité des organisations internationales l'Union européenne
retire également une doctrine interprétative des règles portant attribution
des compétences et pouvoirs : la théorie des pouvoirs implicites. Inspirée de
la doctrine constitutionnelle américaine des impliedpowers la théorie des pouvoirs
implicites tend à considérer qu'un texte qui octroie à une organisation
des compétences et des pouvoirs peut être interprété comme lui conférant
également les pouvoirs impliqués (implied) par les compétences et pouvoirs
expressément dévolus. Ainsi, la Cour internationale de justice considérait-elle
que l'Organisation des Nations unies avait nécessairement, quoique non
explicitement, reçu de la charte de San Francisco le pouvoir de réclamer au
profit de ses agents (« protection fonctionnelle », CIJ, avis du 11 avr. 1949,
Réparation des dommages subis au service des Nations unies, Rec., p. 174-189).
Il y a là unevariantedel'interprétation systémique destinée à lire les règles
de l'instrument constitutif comme un ensemble cohérent comportant par
implication ce qui serait textuellement omis mais logiquement contemplé
par la dévolution expresse. La Cour de justice des Communautés a transposé
très tôt cette doctrine à la construction économique européenne. Dès 1960,
dans une affaire République italienne contre Haute autorité CECA,la Cour
s'était-elle référée à l'« économie en général » du traité pour rechercher un
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