Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 78

INTRODUCTION AU DROIT EUROPÉEN
dans une moindre mesure, de la neutralité irlandaise). Or, ces « garanties »
n'ont pas été soumises au processus de ratification dans les États membres,
ce qui a pour conséquence que le Parlement français, comme la plupart des
parlements nationaux, s'est prononcé sur le traité de Lisbonne sans les garanties
alors que l'Irlande, de son côté, ne l'aaccepté qu'au vu des garanties
accordées après son premier refus. Ainsi, suivant l'analyse de leurs rapporteurs,
l'Assemblée nationale et le Sénat français ont voté en faveur du traité
de Lisbonne en saluant le fait qu'il réduisait opportunément le nombre de
Commissaires, tandis que le peuple irlandais l'approuvait en se félicitant du
maintien du commissaire irlandais.
Sur le fond, le traité de Lisbonne réorganise la structure de l'Union européenne
dans le sens indiqué par le traité constitutionnel : les deuxième et
troisième piliers du traité sont désormais englobés dans la Communauté
européenne à laquelle succède l'« Union européenne » (l'Union reste liée par
les obligations de l'ancienne Communauté, et jouit de ses droits, en tant que
continuatrice de la personne morale créée par le traité de Rome en 1957). La
CEEA (Euratom), de son côté, continue d'exister en tant que personne
morale distincte de l'Union. Mais si l'Union européenne est désormais une
seule organisation, elle est régie par deux traités connexes et de même
valeur : le traité sur l'Union européenne (TUE ; i.e. le traité de Maastricht
modifié) et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE ; i.
e. le traité de Rome créant la CEE, modifié). Le traité de Lisbonne maintient
le système des coopérations renforcées (Europe à plusieurs vitesses). Il maintient
le statut spécifique du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark s'agissant
des questions de sécurité et de justice, ainsi que de l'acquis de Schengen.
Il en va de même de la situation du Royaume-Uni et du Danemark à l'égard
de l'Union économique et monétaire.
S'agissant desdroitsde l'homme, le traité de Lisbonne adopte une solution
en trompe-l'œil. D'un côté il prévoit l'adhésion de l'Union à la Convention
européenne des droits de l'homme (mais la CJUE en a provoqué l'échec) et
adopte une Charte des droits fondamentaux (mais la Pologne, le RoyaumeUni
et, par une décision juridique au statut incertain adoptée au terme du
processus de ratification lors du conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,
la République tchèque, bénéficient d'un régime dérogatoire) ; et d'un autre
côté, le traité précise que l'Union ne voit pas sa compétence élargie au
domaine des droits de l'homme.
Pour le reste, le traité de Lisbonne maintient les adaptations techniques
apportées par le traité constitutionnel, tout en réduisant leur charge symbolique
: la Charte des droits fondamentaux devient une annexe (mais avec la
même valeur juridique), le ministre des Affaires étrangères devient un haut
représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
le concept d'acte législatif est maintenu, mais avec l'ancienne distinction des
règlements et directives. En définitive, outre l'article 42 § 7 TUE qui se révèle
être un obstacle aux projets de défense européenne autonome (supra,nº 40),
la nouveauté la plus remarquable du traité de Lisbonne aura été l'introduction
d'une clause de retrait, utilisée pour le Brexit. Il restera comme l'acte
d'arrêt de la construction européenne, dans l'attente de son nouveau projet.
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