Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 238

238 LES PROCÉDURES COLLECTIVES COMPLEXES

Cela étant, il n'est pas interdit d'éprouver la pertinence d'une solution qui
conduit, donc, à singulariser la franchise. Trois observations. D'abord, on
peut se demander, avec Laurence Amiel-Cosme, si la question est bien
celle de la considération de la personne du franchiseur, ou plutôt celle de
la « considération du réseau organisé par un chef de file, animateur du
réseau, avec les éléments affectés au réseau (...), indépendamment de la
personne qui assume le rôle de chef de file du réseau »15. Ensuite, même
à supposer que la personne du franchiseur soit déterminante, est-on sûr
qu'il soit toujours impossible de transmettre le savoir-faire à un tiers, alors
que, bien souvent, celui-ci est limité et/ou n'est pas original16 ? Enfin, on
peut se demander comment l'argument pris de l'impossibilité absolue de
céder le contrat du franchiseur pourrait faire impression sur la Cour de
cassation alors qu'en cas de fusion ou d'apport partiel d'actif, celle-ci ne
s'oppose à sa transmission que dans la mesure où le franchisé n'y a pas
consenti (ce qui est reconnaître que le contrat peut en théorie circuler)17.
Le plus simple (et le plus réaliste) serait peut-être de laisser au tribunal le
soin de vérifier, in casu, si le repreneur est ou non capable de poursuivre
l'exploitation du réseau de la même façon que son prédécesseur18. Au
reste, certains auteurs n'expliquent pas autrement les hésitations de la
jurisprudence19.

§ 2. L'influence de l'intérêt commun
Les contrats de distribution sont, comme le rappelle notamment l'article L. 330-3 du Code de commerce, des contrats d'intérêt commun, marqués à ce titre par un fort esprit de solidarité. Cet élément implique, pour
la tête de réseau, des devoirs et des risques : le devoir de révéler l'existence
de procédures collectives passées ou présentes, d'une part, et le risque de
devoir assumer une responsabilité dans les procédures à venir, d'autre part.
Le premier point est lié au devoir d'information qui pèse sur le fournisseur.
On sait qu'au stade de la formation du contrat, l'intérêt commun justifie
l'existence d'un devoir d'information sincère sur un ensemble de données,
qui permettront au distributeur de s'engager en connaissance de cause
(C. com., art. L. 330-3, al. 1er). L'ouverture d'une procédure collective faitelle partie des données à transmettre ? S'agissant des procédures ouvertes à
15. L. AMIEL-COSME, note sous Cass. com., 24 nov. 2009 : Rev. sociétés 2010, p. 562.
16. V. F. DE SAINT-POL, note préc.
17. Rappr. CA Lyon, 9 déc. 2014 : AJCA 2015, p. 140, obs. A. LECOURT, qui admet la cession à l'occasion de la procédure collective du franchiseur, dès lors que le contrat ne prévoit pas l'agrément du franchisé.
18. En ce sens, Y. MAROT, note préc. ; F. DE SAINT-POL, note préc.
19. P. LE TOURNEAU, « Concessions », JCl. Contrats-Distribution, fasc. 1010, nº 175.
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