Bibliothèque de droit privé - Tome 599 - Les théories objective et subjective du contrat - 210

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LES THÉORIES OBJECTIVE ET SUBJECTIVE DU CONTRAT

271. - Il semble alors que l'on puisse comprendre pourquoi, d'une conception formaliste de la consideration incarnée par l'acceptation de la nominal consideration comme rendant une promesse obligatoire (conformément au premier
Restatement), on est arrivé, petit à petit, à considérer que celle-ci était insuffisante
(comme le précise le second Restatement). En effet, il ne faut pas simplement que
le contrat paraisse constituer un échange entre deux personnes, il ne s'agit pas de
vérifier qu'il s'agit d'un prétendu échange (de ce qui revêt la forme d'un échange
sans en avoir la substance), mais bien plutôt que ce soit un échange véritable, où
il y a véritablement commutation de valeurs entre les patrimoines.
Mais alors, qu'en est-il pour les contrats qui ne semblent en rien constituer un
échange ? Par exemple, lorsqu'il est établi entre concubins que l'un abandonnera
son travail alors que l'autre lui donnera la moitié de la propriété de l'immeuble dans
lequel ils vivent, y a-t-il une consideration à la promesse ? En d'autres termes, si la
consideration est le motif objectif de la promesse de l'autre partie, ne peut-on pas
considérer que la promesse dans le cadre du couple n'est pas un échange économique ? N'est-ce pas plutôt une promesse faite dans le cadre d'une relation amoureuse, d'un projet de vie commun, d'une entente toute particulière et personnelle ?
2.	 Le nécessaire échange de valeurs : l'exemple des contrats entre concubins
272. - Prenons l'exemple d'une femme qui abandonne sa carrière pour s'occuper des tâches ménagères alors que son concubin s'engage à lui donner la moitié
de la propriété de la maison. Est-ce qu'une telle promesse est obligatoire ? Si c'est le
cas, est-ce à dire que le droit américain accepte que la consideration d'une promesse
de donner la moitié de la propriété soit des travaux ménagers ? En d'autres termes,
y a-t-il ici véritablement échange (bargain) entre les deux concubins ?
Cela n'a rien d'évident. Il semble que la promesse n'ait pas du tout été envisagée par les parties comme un échange entre des prestations de ménage d'un côté
contre le transfert de la moitié de la propriété d'un autre côté. Il ne s'agit pas d'un
contrat d'entreprise comme les autres, au même titre que le travail d'un technicien
de surface contre un certain prix. Des considérations personnelles, intimes, entrent
en jeu. Il n'y a pas prestation contre prestation, mais bien plutôt l'organisation
commune d'un avenir partagé. Ainsi, il nous semble qu'à première vue, en toute
logique, le droit américain ne devrait pas reconnaître ces promesses comme obligatoires, celles-ci n'ayant pas de consideration.
273. - Pourtant ce n'est pas ce que l'on retrouve dans la jurisprudence. Dans
l'affaire Marvin v. Marvin (1976)86 , la Cour suprême de Californie a posé le principe que la promesse de donner la moitié de sa propriété à sa concubine qui s'engage à s'occuper des tâches ménagères87 est obligatoire. La Cour juge alors que
« les contrats (agreements) entre des parties non mariées ne sont pas obligatoires
lorsqu'ils se fondent sur une contrepartie de services sexuels contraire aux bonnes
mœurs »88. En d'autres termes, la contrepartie à une promesse de donner la moitié
in brief, is that contract law should facilitate the efforts of contracting parties to maximize the joint
gains (the "contractual surplus")from transactions. The theory's negative claim is that contract law
should do nothing else. Both claims follow from the premise that the state should choose the rules that
regulate commercial transactions according to the criterion of welfare maximization. »
86. 18 Cal.3d 660 (Supreme Court of California, In Bank), 557 P.2d 106, 134 Cal.Rptr. 815.
87. "a companion, homemaker, housekeeper and cook"
88. "Agreements between non-marital partners fail only to the extent that they rest upon a
consideration of meretricious sexual services."

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