Grands Colloques - L'université et ses responsabilités - 8

L'UNIVERSITÉ ET SES RESPONSABILITÉS

sont invoqués dans notre pays qui ne seraient même pas audibles dans des
pays limitrophes, pas très loin d'ici, à tradition fédérale et décentralisée ?
Le sujet que vous abordez aujourd'hui, « L'université et ses responsabilités », renvoie bien évidemment à l'histoire politique de notre pays. Il
participe aussi d'une histoire sectorielle et particulière : celle de l'enseignement supérieur.
On a eu une illustration de l'idée que j'essaie de défendre ici, à propos
d'un débat récent au Sénat, qui fut très éphémère au demeurant, sur un
amendement prévoyant de supprimer la procédure de « qualification »
par le Conseil national des universités pour les candidats à un poste de
maître de conférences. Cet amendement, avant d'être retiré, a soulevé
une levée de boucliers. Les arguments soulevés à son encontre n'étaient
pas sans intérêt, mais le fait significatif fut l'ampleur de la réaction à une
mesure finalement assez triviale. Il apparaissait pour les opposants que la
suppression du filtrage par une instance nationale aurait ouvert la porte à
toutes les pratiques localistes. Et, au fond, leur défense du filtrage national
revenait à réclamer de l'État qu'il continue de protéger les universitaires
contre leurs propres turpitudes. Évidemment, ce n'est pas « moi » qui ai
besoin de la protection tutélaire, c'est « l'autre »... Car c'est « l'autre » qui
risque de sombrer dans des recrutements discrétionnaires et médiocres
si on ne lui impose pas un filtrage préalable par une instance nationale.
Cette quasi-panique devant l'hypothèse de l'abandon du filtrage national
témoigne finalement du peu de confiance des universitaires dans leur propre
rigueur quant à la formation et au recrutement des titulaires d'un doctorat.
Au-delà de cet exemple, il est étonnant de voir se dresser contre l'autonomie ceux-là mêmes qui professent avec force les vertus de la démocratie
collective et de l'autogestion. Au moment de reconnaître la responsabilité
du collectif de travail, alors remonte le vieux fond étatiste.
Il faut admettre que ce dernier est largement partagé sur l'ensemble
du spectre des opinions. Il est d'ailleurs assez remarquable que, dans le
domaine de l'enseignement supérieur, comme dans d'autres, les opinions
ne se distribuent pas principalement sur l'axe politique traditionnel de la
gauche à la droite. Le rapport à l'autonomie et à la responsabilité est devenu
un facteur explicatif et discriminant entre les positions des uns et des autres,
au moins aussi pertinent que l'axe traditionnel.
La progression vers la responsabilisation des acteurs de l'enseignement
supérieur et de la recherche est indéniable. On doit se réjouir qu'à l'échelle
du temps de nos institutions, les progrès récents soient notables. Mais, en
même temps, il n'est pas interdit de penser qu'ils sont insuffisants, que
l'évolution est lente, surtout si l'on veut bien considérer que la situation
de nos institutions en France est toujours relative à leur environnement

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