Contextes - Penser l'ancien droit public - 84

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Lectures de la décision Blanco
lors que l'assignation à l'origine de la saisine du Tribunal des conflits « ne vise
aucune faute personnelle à un agent de l'Administration et se détachant de sa
fonction » et « qu'elle incrimine l'organisation et le fonctionnement d'un service
à la charge du département et d'intérêt public », « l'appréciation des fautes qui
auraient pu se produire dans l'exécution de ce service n'appartiennent pas à
l'autorité judiciaire ».
L'arrêt Thérond 32
, rendu deux ans plus tard par le Conseil d'État, reprend
cette lecture Teissier de la décision Blanco. Il ne s'agit plus d'une question de
responsabilité délictuelle, comme dans l'affaire Feutry, mais d'un litige contractuel
opposant la commune de Montpellier à un particulier adjudicataire d'une
concession d'une durée de dix ans portant sur la capture et la mise en fourrière
des chiens errants ainsi que sur l'enlèvement des bêtes mortes. Le considérant
de principe de l'arrêt est très clair : « Considérant qu'en traitant [...] avec le
sieur Thérond, la ville de Montpellier a agi en vue de l'hygiène et de la sécurité
de la population et a eu, dès lors, pour but d'assurer un service public ; qu'ainsi
les difficultés pouvant résulter de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de
ce service sont, à défaut d'un texte en attribuant la connaissance à une autre
juridiction, de la compétence du Conseil d'État ». Georges Pichat indique dans
ses conclusions que la décision Blanco « a ouvert la voie, en ce qui concerne
les actions en responsabilité contre l'État » et que par la décision Feutry cette
jurisprudence « a été étendue aux actions en responsabilité formées contre les
départements »33
. Il ne s'agirait donc, dans cette affaire Thérond, que de faire
de même en matière contractuelle.
Cette lecture extensive de la décision Blanco appelle au moins deux observations.
La première est que cette jurisprudence de 1908 et 1910 a très rapidement
été saluée par une partie de la doctrine académique qui y a vu la consécration du
service public comme notion structurante du droit public. Tel est notamment
le cas de Léon Duguit qui écrit en 1913 dans Les transformations du droit public
que la décision Blanco est « le point de départ de toute une évolution » au terme
de laquelle « la notion de service public est devenue la notion fondamentale du
droit public », la décision Feutry marquant « comme l'achèvement de l'évolution
commencée avec la décision Blanco »34
. S'ouvre alors un intense débat doctrinal
32. « CE, 4 mars 1910, Thérond c. Ville de Montpellier », Recueil Lebon, p. 193, concl. G. Pichat.
33. Ibid., p. 194.
34. L. Duguit, Les transformations du droit public, Paris, Armand Colin, 1913, p. 173-174.
L'utilisation par Duguit du service public (et de l'arrêt Blanco) s'inscrit toutefois dans une perspective
de théorie de l'État et non dans l'une des lectures envisagées dans la présente contribution (pour une
mise en perspective, v. P. Brunet, « Doctrines " juridictionnelles " et doctrines " méta- conceptuelles "
du service public », Le service public, Paris, Dalloz, 2014, p. 21-39, spéc. p. 33-39). L'étude la plus
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