Guide pratique - L'honoraire de l'avocat - 1re - 53

HISTOIRE REVISITÉE DU DROIT DE L'HONORAIRE

honneur le porte à ne point envisager d'exercer l'action à titre personnel, fût-ce pour
dix mille livres, même avec certitude de la gagner. Ambivalence chevaleresque et
catholique, les deux socles de la société française de l'époque. Et des traditions du
barreau.
31 › Le bon roi Henri, le pauvre, la veuve et l'orphelin. - Nous l'avons vu, Boucher
d'Argis estimait devoir pointer le revirement du barreau de Paris. De même, il prenait soin de lui donner écho avec la situation spécifique de ce que l'imagerie
d'Épinal du barreau appelle « la défense de la veuve et de l'orphelin ». Il signalait
qu'Henri IV « mû d'une affection charitable et paternelle envers son pauvre peuple,
et voulant procurer les moyens d'obtenir justice aux veuves, orphelins, pauvres gentilshommes, marchands, laboureurs et généralement à tous ceux qui seraient
dépourvus de conseil et d'argent, ou de l'un et de l'autre, ordonna, par un arrêt de
son Conseil d'État, du 6 mars 1610, que dans toutes les cours, tant souveraines que
subalternes, il serait commis des avocats et procureurs pour les pauvres, en tel
nombre qu'il serait avisé en son conseil, selon la grandeur et la nécessité de
chaque cour ou siège, lesquels seraient tenus d'assister de leur conseil, industrie,
labeur et vacation, tous ceux de la susdite qualité, sans prendre d'eux aucune
chose, tant petite fût-elle, à peine de concussion, se contentant de leurs simples
gages, salaires et prérogatives qu'il plairait à Sa Majesté attribuer auxdits avocats
et procureurs qui seraient mis et choisis, comme plus capables et gens de bien, et
entretenus auxdites charges, tant qu'ils y feraient leur devoir. L'assassinat
d'Henri IV, qui survint le 10 mai suivant, arrêta l'exécution d'un si louable dessein,
lequel jusqu'à présent est demeuré sans effet. Les avocats y ont suppléé, chacun en
leur particulier, par le zèle et le désintéressement avec lequel ils ont toujours soutenu les intérêts des pauvres ».
La profession d'avocat doit s'adapter aux circonstances économiques et sociales,
sans perdre son âme. Cet environnement est différent à Athènes ou à Rome, sous
l'Ancien Régime, au XIXe ou au XXIe siècle. Pour accomplir correctement son office, le
barreau doit être capable de distinguer le principal de l'accessoire, c'est-à-dire son
éthique, sa déontologie et sa symbolique, d'une part, des moyens qui lui permettront
d'accomplir son office, en considération du principe de réalité, d'autre part. Ainsi,
aujourd'hui, comme les plus clairvoyants docteurs de l'Ancien Régime le savaient
encore et/ou déjà, l'avocat doit pouvoir vivre de sa profession, et ce sans que nul
ne puisse imaginer que son indépendance, son premier socle, soit mise à mal, ce
qui abattrait tout l'édifice déontologique qu'elle sous-tend.
32 › La Rochefoucauld, Vauvenargues et La Fontaine. - Afin de clore cette
digression historique, peut-être sied-il de poursuivre notre rêverie vers d'immortels auteurs. Auparavant donnons encore la parole à Boucher d'Argis ; il
nous mènera jusqu'à eux : « La libéralité, dont la noblesse a fait prendre pour
des Dieux, les hommes qui pratiquaient cette vertu, ne convient pas moins à la
profession d'avocat. Il doit se piquer d'un grand désintéressement, puisqu'il
donne la plupart de ses travaux à son honneur et à la charité publique. D'où
vient que le gain des avocats porte avec justice le titre d'honneur, parce qu'il a
trop peu de proportions avec le juste prix de leurs travaux et de leur mérite.
Ceux auxquels un esprit mercenaire et un intérêt sordide feraient oublier ce
noble mépris des richesses, tomberont eux-mêmes dans un mépris, qui en
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