Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts de droit pénal et de procédure pénale 2017-2018 - 2e - 178

L'ESSENTIEL

176

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

PÉNAL ET DE LA

PROCÉDURE

PÉNALE

5 Cass. crim., 8 déc. 1906, Placet, dit Laurent-Atthalin (action
civile, mise en mouvement de l'action publique)
[...] aux termes précis et formels de l'art. 63 du Code d'instruction criminelle : « Toute personne qui se prétendra lésée par
un crime ou un délit pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction, soit du lieu du
crime ou du délit, soit du lieu de la résidence du prévenu, soit du lieu où il pourra être trouvé » ; qu'il résulte, d'autre
part, de l'art. 3 du même Code, que les juridictions répressives ne peuvent statuer sur l'action civile qu'autant qu'elles ont
été saisies en même temps de l'action publique, et que, dès lors, en investissant la partie lésée du droit de saisir de
l'action civile le juge d'instruction, le législateur a nécessairement entendu que le dépôt même de la plainte entre les
mains de ce magistrat, avec constitution de partie civile, mettrait également en mouvement l'action publique.

■ Faits
L'article 63 du Code d'instruction criminelle en vigueur au moment des faits permettait à toute personne se prétendant
lésée par un crime ou un délit d'en « rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction ». Le Procureur général près la Cour d'appel de Paris estimait que cette disposition ne pouvait pas permettre à une victime de
mettre en mouvement l'action publique par le biais d'une telle constitution.
Il avait ainsi frappé de pourvoi l'arrêt par lequel la Chambre des mises en accusation avait déclaré recevable la plainte
du sieur Placet contre un nommé X., des chefs de faux et complicité de ce crime. Il n'a pas été suivi par la Chambre
criminelle qui a rejeté son pourvoi.

■ Portée
Pour un être centenaire, l'arrêt rapporté est regardé aujourd'hui encore comme « le plus décisif de l'histoire de notre
procédure pénale » et revêt « une importance politique capitale ». Mettant un terme à de longues controverses doctrinales, la Chambre criminelle, faisant œuvre de création, a offert à la victime la possibilité de mettre en mouvement
l'action publique par la voie de la constitution de partie civile devant le juge d'instruction. En d'autres termes, dans un
système procédural fondé sur l'opportunité des poursuites, placée entre les mains du Ministère public, l'arrêt a admis
que le refus de poursuivre ou le silence du Ministère public pouvait être contourné. Aux yeux des magistrats, la solution puisait sa source dans le droit, déjà légalement reconnu, pour la partie civile de mettre en mouvement l'action
publique par une citation directe devant le tribunal correctionnel ou de simple police.
Un demi-siècle plus tard, le Code de procédure pénale va consacrer de façon maladroite, la solution. Selon les dispositions de l'article 1er, al. 2 du Code, l'action publique « peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée dans les
conditions déterminées par le présent code ». Des conditions évoquées, on retiendra seulement ici que la consécration
législative procède à la fois de la technique du renvoi, d'une combinaison d'articles et d'une lecture a contrario (art. 85
et 86, al. 4). Il s'ensuit que l'ouverture d'une information à la suite d'une constitution de partie civile est la règle et que
le Ministère public est lié.
Derrière les mots et les principes se cachent toutefois quelques zones d'ombre. Nombreux auteurs ont dénoncé les
dérives et conséquences pratiques, parfois politiques, du pouvoir accordé aux victimes. Celui-ci a donné lieu à des
abus et à un encombrement des cabinets d'instruction. Mobiliser un juge d'instruction pour de menues affaires ou
parfois aux seules fins de retarder une instance civile par le jeu de la règle « le criminel tient le civil en l'état » (avant la
loi du 5 mars 2007) peuvent paraître en effet comme des pratiques assez contestables.

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