Grands Colloques - Les figures du juge administratif - 25

PROPOS INTRODUCTIF

au litige et il lui faut alors, pour accomplir pleinement son office, disposer
des pouvoirs correspondants.
D'une manière générale, ce sont des considérations d'efficacité et de
pragmatisme qui ont poussé le juge à franchir des frontières qu'il n'aurait
pas imaginé franchir quelques années plus tôt. N'est-ce pas d'ailleurs là -
dans cette absence d'efficacité et de pragmatisme - que résidait la principale
critique formulée par le Huron en visite au Palais-Royal40 ? Je pense par
exemple à la modulation dans le temps de ses annulations41 mais également
des effets de sa propre jurisprudence42. Ce sont ces mêmes considérations
qui ont conduit à réduire drastiquement la catégorie des mesures d'ordre
intérieur43 ou à approfondir leur contrôle. Il y a aussi, sous-jacente à cette
évolution, l'idée de ce que le juge administratif devait au justiciable, mais
plus encore l'idée de ce qu'il se devait, pour paraphraser Ramon Fernandez
parlant du héros cornélien. Ce sont également ces considérations d'efficacité et de pragmatisme qui ont conduit le juge, par des annulations « en
tant que » et « en tant que ne pas », à prescrire de façon très directive à
l'administration comment elle doit réparer les illégalités par omission44.
Il reste que, quand il prend la décision qui n'est jamais légère, de repenser
ses pouvoirs et devoirs, le juge administratif prend bien garde de ne pas
outrepasser certaines limites, sous peine de précisément dénaturer son
office. Ainsi, la mise en œuvre d'une technique contentieuse ne peut
conduire le juge à faire œuvre d'administrateur. C'est pour cette raison,
par exemple, que, contrairement à la substitution de base légale, le juge
ne peut de lui-même, « d'office », procéder à une substitution de motifs45.
De même, le juge ne choisit pas nécessairement la voie de l'approfondissement du contrôle exercé. Il refuse, par exemple, la prise en compte de
projets alternatifs au stade du contrôle du bilan d'une déclaration d'utilité
publique46, soit qu'il considère que ce serait sortir du contrôle de la légalité
40. J. Rivero, « Le Huron au Palais-Royal ou réflexions naïves sur le recours pour excès
de pouvoir », D., 1962, chron., p. 37.
41. Décision Association AC ! précitée.
42. Décision Société Tropic travaux précitée.
43. Voir notamment les décisions Planchenault et Boussouar précitées.
44. Notamment CE, Ass., 29 juin 2001, Vassilikiotis, n° 231229, Rec. p. 303.
45. Voir à cet égard les conclusions de J.-H. Stahl sur la décision El Bahi précitée et les
conclusions de I. de Silva sur la décision Hallal précitée.
46. Ce n'est que lors de l'étape qui précède le bilan en tant que tel, lorsque le juge contrôle
que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans
son patrimoine, que le juge accepte de prendre en compte des solutions alternatives (CE,
19 octobre 2012, Commune de Levallois-Perret, n° 343070, à paraître au Rec.), par exemple
en privilégiant l'aménagement des infrastructures existantes (CE, 28 mars 2011, Collectif
contre les nuisances du TGV de Chasseneuil du Poitou et de Migne-Auxances et autres,
n° 330256 et autres, Rec. p. 967).

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