Systèmes Cours - Droit du marché intérieur européen - 5e - 69

L'élimination des entraves de nature non pécuniaire

10 janvier 1985, Association des Centres Édouard Leclerc, aff. 229/83). Ainsi, ni la
défense des intérêts des consommateurs, ni la protection de la création et de
la diversité culturelles ne figurent parmi les raisons citées à l'article 36 du
TFUE, alors qu'elles correspondent à des « exigences impératives » de la
jurisprudence Cassis de Dijon.
L'assimilation opérée par la Cour entre exigences impératives de la
jurisprudence Cassis de Dijon et motifs dérogatoires de l'ex-article 30 du
TCE vient ruiner la logique de cette distinction et la rigueur dans la
délimitation du champ de cet article15 (devenu art. 36 TFUE) : tout se passe
comme si, de façon prétorienne, la Cour avait élargi ce champ, en y incluant
d'autres justifications d'intérêt général. Ainsi, dans l'arrêt Graffione c/ Fransa
(arrêt du 26 novembre 1996, préc.), la Cour fait référence à la protection
contre la concurrence déloyale et à la protection des consommateurs -
exigences impératives reconnues, on l'a vu, par la jurisprudence Cassis
de Dijon - en se situant dans le cadre global des ex-articles 28 et 30 du
traité. Dans l'arrêt Konsumentombudsmannen (arrêt du 9 juillet 1997, préc.),
la Cour indique de manière encore plus nette qu'une mesure restrictive peut
être jugée nécessaire « pour satisfaire à des exigences impératives tenant à
l'intérêt général ou à l'un des objectifs énumérés à l'article 30 », formulation
révélatrice de l'assimilation, quant à leur portée, de cette dernière
disposition et de la jurisprudence Cassis de Dijon.
Inversement, il est des motifs qui, sans être admis au titre de la
jurisprudence Cassis de Dijon, ne le sont pas non plus dans le cadre de
l'article 36 du TFUE (ex-art. 30 TCE) : ainsi de considérations d'économie
budgétaire, la Cour ayant par exemple refusé d'admettre une interdiction
d'importation d'un médicament au seul motif qu'un autre médicament aux
effets identiques existait déjà sur le marché à un coût inférieur donc
représentant une charge moins lourde pour la sécurité sociale (arrêt du
7 février 1984, Duphar, aff. 238/82). Cependant, s'agissant d'un régime
d'autorisation préalable conditionnant le remboursement d'articles
médicaux en cas d'achat à l'étranger, la Cour, tout en confirmant le rejet
de la justification tirée de la nécessité de maintenir l'équilibre financier de
la sécurité sociale - car elle était non fondée en l'espèce - n'a cependant
pas exclu qu'« un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du régime
de sécurité sociale puisse constituer une raison impérieuse d'intérêt
général susceptible de justifier une pareille entrave » (arrêt du 28 avril 1998,
N. Decker, préc.), ce qui laisse entrevoir un élargissement de la
jurisprudence Cassis de Dijon.
Les raisons invocables sur la base de l'article 36 du TFUE restent donc
au nombre de six et sont toutes de nature non économique, même s'il
apparaît dans la jurisprudence récente que l'argument économique peut
15. B. BERTRAND, « Que reste-t-il des exigences impératives d'intérêt général ? », RE janv. 2012,
Étude 1. V. MICHEL, « Marché intérieur et politiques de l'Union : brèves réflexions sur une
quête d'unité », in L'identité du droit de l'Union européenne, Mélanges en l'honneur de
Claude Blumann, Bruylant, 2015, p. 229 et s.

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