Systèmes Cours - Droit du marché intérieur européen - 5e - 74

Droit du marché intérieur européen

d'auteur : arrêt du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon, aff. 78/70, sol. impl. ;
20 janvier 1981, Muzik-Vertrieb, aff. 55 et 57/80).
Cependant, afin d'éviter une revendication abusive de cette protection, de
nature à entraver, compte tenu du cloisonnement territorial auquel elle
conduit, la libre circulation des marchandises et la libre concurrence, la
Cour de justice en a précisé la portée, de deux points de vue différents : en
se fondant sur la distinction entre existence et exercice des droits
d'exclusivité que confère la propriété intellectuelle et en tirant les
conséquences de la règle dite de l'épuisement des droits. Le raisonnement
de la Cour a une portée générale mais une illustration significative en est
donnée en matière de droit des marques, dont les relations avec la libre
circulation des marchandises sont particulièrement étroites.
En premier lieu la Cour a opéré une distinction entre existence et
exercice des droits d'exclusivité. La dérogation fondée sur l'ex-article 30 du
traité CE (devenu art. 36 TFUE) est limitée à l'existence des droits
d'exclusivité : ainsi, s'agissant du monopole d'exploitation d'un brevet régi
par les législations nationales, celles-ci peuvent permettre au titulaire du
brevet, car cela constitue la substance de son droit exclusif, d'empêcher
des tiers de fabriquer, de vendre ou d'importer sans son consentement des
produits couverts par le brevet (arrêt du 5 octobre 1988, CICRA c/ Renault, aff.
53/87). Les modalités d'exercice des droits d'exclusivité demeurent en
revanche en dehors du champ de l'article 36 du TFUE : par exemple un
contrat de concession de brevet sera soumis aux règles européennes de la
concurrence.
L'article 36 du TFUE n'admet ainsi de dérogations au principe de libre
circulation des marchandises que si elles sont justifiées par la sauvegarde
des droits qui constituent « l'objet spécifique » de la propriété industrielle
concernée qui est constitué, pour les marques, du droit exclusif du titulaire
« d'utiliser la marque pour la première mise en circulation du produit et de
s'opposer à la commercialisation de produits munis d'une marque identique,
similaire ou prêtant à confusion » (arrêt du 30 novembre 1993, Deutsche
Renault AG, aff. C-317/91).
La jurisprudence a évolué en prenant en compte l'origine industrielle du
produit, qualifiée aussi de fonction de garantie d'origine. Il s'agit « de
garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du
produit marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce
produit de ceux qui ont une autre provenance » (ibid.). La garantie de
provenance qui lui est liée implique que le consommateur ou l'utilisateur
final puisse être certain qu'un produit marqué qui lui est offert n'a pas fait
l'objet, à un stade antérieur de sa commercialisation, d'une intervention
opérée par un tiers sans autorisation du titulaire de la marque, qui a
atteint le produit dans son état originaire. Il s'agit donc « de protéger les
titulaires contre les manœuvres des tiers qui, en créant un risque de
confusion dans l'esprit des consommateurs, chercheraient à tirer parti de
la réputation attachée à une marque » (ibid.). La reconnaissance de cette

74
Table des matières de la publication Systèmes Cours - Droit du marché intérieur européen - 5e
