Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 210

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Ce n'est pas la première fois, assurément, qu'un législateur s'avise de prévoir
les problèmes de l'interprétation et d'en tracer impérativement quelques lignes
directrices. Et notamment, quand on examine, de ce point de vue, la plupart des
codifications civiles modernes, depuis l'Allgemeines Landrecht für die preuszischen
Staaten, de 1794, jusqu'au Code civil allemand, de 18968 et à l'Avant-projet de
Code civil hongrois9, on arrive, presque toujours, à découvrir, soit dans les projets
successifs de leur élaboration, soit dans les textes définitivement votés et promulgués, des prescriptions, plus ou moins nettes, tendant, sous couleur de faciliter la
tâche du juge, à diriger l'application du droit en quelque sens déterminé.
Mais, au milieu de ces précédents, timides et équivoques, les dispositions analogues, du Code civil suisse de 1907, se distinguent, au premier aspect, par deux
traits caractéristiques. - D'une part, tandis que, jusqu'alors, on s'était contenté
de préceptes particuliers, visant tel ou tel point secondaire de l'application des
lois, le législateur fédéral a embrassé le problème d'un œil plus vaste et cherché
manifestement à fournir à l'interprète, - sur toute l'étendue du domaine de l'interprétation du droit, - une direction d'ensemble, à peu près complète, bien que
condensée en une formule brève et à tournure concrète. - D'une autre part, tout
au rebours des tendances législatives antérieures, qui rabaissaient la tâche de l'interprète en cantonnant son activité à d'étroites limites10, il a eu pour objet, capital
et presque exclusif, d'amplifier les pouvoirs du juge, et, en lui traçant quelques
directives, de l'orienter surtout vers une large appréciation personnelle, au risque
de compromettre son autorité propre de législateur, en y faisant ostensiblement
participer les organes de la justice active. Ainsi, la législation suisse est-elle entrée,
délibérément, dans le courant des idées les plus modernes, et mérite-t-elle, en
conséquence, à ce titre, de retenir, quelques instants, notre attention.
Il est vrai, qu'on peut douter de la valeur foncière, des dispositions législatives signalées, comme de toutes celles, qui prétendent réglementer, par voie de
décision générale et souveraine, des questions, que leur essence semble enfermer
dans le domaine des théories doctrinales. - J'ai suffisamment discuté ce point11,
pour me dispenser d'y revenir ici. Mais, quelle que solution qu'on en veuille envisager, dans l'application que nous offre aujourd'hui la législation fédérale, et
quand on devrait conclure que celle-ci n'a pu prétendre imposer au juge aucune
direction d'interprétation obligatoire, il ne nous importerait pas moins, du point
de vue, tout désintéressé, où nous a placés cette étude, de relever, comme un élément d'appréciation important, dans le grand débat qu'elle suscite, l'opinion,
authentiquement exprimée, d'une autorité aussi considérable. - Et, cet intérêt
8. Voy. Fr. Geny, Méthode d'interprétation et sources, 1re éd., 1899, p.  193, texte et notes 1-5,
p.  194, texte et notes 1-4 (n°  88), 2e éd., t.  I, p.  223 à  225, où se trouvent indiquées, par voie de
références, les principales dispositions législatives de cet ordre. - Adde encore l'art. 34 du Règlement
d'organisation judiciaire, pour les tribunaux mixtes d'Égypte, qui donne à ces tribunaux le pouvoir de
juger les questions, non prévues par les lois, en appliquant les principes du droit naturel et de l'équité. -
Voy. aussi les citations de dispositions de Codes suisses, antérieurs au Code fédéral de 1907, faites dans
V. Rossel, Manuel du droit civil de la Suisse romande, H. Georg éd., 1886, p. 6.
9. Cons.  G.  Auer, Ueber die Freiheit des richtertichen Ermessens im Vorentwurfe zu dem
ungarischen bürgerlichen Gesetzbache, dans Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft, 1912,
t. 29, p. 299-314.
10. Il y a eu, du reste, quelques exceptions. Voy. par exemple l'art. 4 du Code Napoléon, qui, très
indirectement d'ailleurs, manifeste la pensée d'ouvrir au juge une grande latitude.
11. Voy. Fr. Geny, Méthode d'interprétation et sources, 1re éd., 1899, n° 51, p. 94-96 ; et surtout
nos 88-90, p. 192-205 ; 2e éd., t. I, p. 105-108 ; p. 222-236.
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