Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 146

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

de la distinction des lois réelles et des lois personnelles, que celles-ci, qui régissent
l'état et la capacité des personnes, suivent les Français même résidant en pays étranger, et suivent également en France l'étranger qui y réside » ; et elle casse un arrêt,
qui avait méconnu cette dernière solution61. Enfin, dans une décision plus récente62,
elle tire toutes les conséquences de sa doctrine, et, en même temps qu'elle la confirme
nettement, elle la dépasse, en quelque façon, puisqu'elle manifeste l'intention
d'étendre son contrôle à l'application de la loi étrangère, en pareil cas. De telle sorte,
qu'on a pu, sans exagérer les choses, trouver, dans ce dernier arrêt, le principe de
toute une évolution nouvelle, en faveur du pouvoir de censure, que se reconnaîtrait
la Cour suprême, pour tous les problèmes du droit international privé63.
C'est par une évolution analogue, bien que moins régulière en ses phases
successives, que je chercherais à expliquer, sinon à justifier, la position, en apparence fort équivoque, prise par la Cour suprême, dans la question des caractères
déterminateurs des obligations naturelles64. - On a dit, quelquefois, que la Cour
de cassation abandonnait la solution de cette question au pouvoir discrétionnaire
des juges du fond65. Et, je conviens que cette manière de voir peut s'autoriser de
quelques arrêts, qui paraissent bien avoir refusé a priori de réviser certaines décisions, qui se basaient, en droit, sur la reconnaissance de devoirs de conscience,
servant de cause légitime à une obligation civile66. Mais, il est à remarquer, que les
espèces de ces arrêts présentaient, à juger, par la Cour suprême, la question de
savoir, quelles circonstances pouvaient valoir comme causes d'engagements civils,
qui ne fussent point des donations, et que, dans l'incertitude encore régnante sur
la théorie juridique de la cause, la Cour de cassation a eu volontiers recours à sa
jurisprudence, alors si large, en faveur du pouvoir souverain des juges du fait,
relativement à l'interprétation des actes de volonté (voy. ci-dessus, n° 180, t. II,
p. 204-206), pour se contenter de l'indication d'une cause quelconque, en laissant
aux juges du fond le soin de la déterminer, d'après la volonté des parties67. - En
tout cas, ces arrêts sont déjà anciens. Et, ce qui prouve que, dès cette époque, la
Cour régulatrice n'entendait pas abdiquer tout contrôle sur la définition juridique
de l'obligation naturelle, c'est qu'on rencontre des arrêts, du même temps, cassant
des décisions, soit, pour avoir reconnu à tort68, soit, au contraire, pour avoir
méconnu69, des obligations de cette sorte. - Ce qui est certain surtout, c'est que le
61. Civ. cass., 28 février 1860, Sir. 60, 1, 210.
62. Civ. cass., 17 janvier 1899, Sir. 99, 1. 177.
63. A. Pillet, note sous l'arrêt précité, dans Sir. 99, 1, p. 178, col. 3 et p. 179, col. 1.
64. Sur la jurisprudence de la Cour suprême, en cette matière, voy. note de L. Balleydier, sous
Civ. rej., 5 avril 1892, dans Sir. 95-1-129, notamment les §§ II-V de la note (2-3-4).
65. Bayle-Mouillard, sur Grenier, Traité des donations, §  158, note (a), t.  II4, 1846, p.  11.
- Massé et Verge, sur Zacharie, Le droit civil français, §  525. note 4, t.  III, 1857, p.  344. -
Comp. Larombière, Théorie et pratique des obligations, sur l'art. 1235, n° 6. t. IV2. 1885, p. 61-62 ; - et
Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. II6, 1897, n° 246. p. 170, qui, d'ailleurs, ne se prononcent
pas sur le rôle de la Cour de cassation.
66. Civ. rej., 3 décembre 1813, Bourgoin, Sir. chron. - Req. rej., 10 mars 1818, Labat, Sir. chron.
- Req.  rej., 22  août  1836, Colnet, Sir. chron. - Req.  rej., 21  novembre 1831, Sir. 32, 1, 383. -
Cpr. Civ. rej., 3 août 1846, Sir. 46-1-502.
67. Cpr. Aubry et Rau, Cours de droit civil français, § 297, in fine, t. IV4, p. 11-12 ; [5e éd., p. 14-15]
et, sur ce passage : L. Balleydier. note dans Sir. 95, 1, p. 130, col. 2. - Voy. aussi : Nîmes, 16 février
1832, Sir. 32, 2, 315. et Req. rej., 23 juillet 1833, Sir. 33, 1, 535. - Adde Baudry-Lacantinerie et
M. Colin, Des Donations entre vifs et des Testaments, n° 1140, t. I, 1895, p. 475.
68. Civ. Cass., 11 avril 1820, Chaylan, Sir. chron. - Civ. cass., 5 mai 1835. Sir. 35, 1, 466.
69. Voy., du moins, Civ. cass., 3 juillet 1811, Rigaud, Sir chron. - Cpr. Ch. réun., cass., 26 juillet 1823, Delorme, Sir. chron.
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