Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 73

LA LIBRE RECHERCHE SCIENTIFIQuE

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solution toute prêle, pour les problèmes que la vie lui présente. Et, le motif en est
simple. Le juge, pas plus d'ailleurs que le législateur116, n'applique, directement et
immédiatement, le juste, pris en soi. Il n'en fait jamais qu'une adaptation, qui
déforme nécessairement la notion pure. - En d'autres termes, le juste étant un but à
atteindre, l'interprète n'a pour mission que de découvrir le moyen de le réaliser dans
des conditions données. Or, le moyen se sépare toujours en quelque façon du but,
bien qu'il doive, en tout cas, s'y rapporter117. 11 s'y rapportera d'autant plus, que la
notion de justice, à mettre en œuvre, présentera un caractère plus général, qui atténuera, jusqu'à pouvoir l'effacer complètement, l'antithèse du but et du moyen. -
D'où il résulte, que les principes de pure justice s'imposeront, dans l'application du
droit, avec une énergie, et promettront une sûreté de résultats, proportionnées à leur
abstraction et à leur indépendance de nature, vis-à-vis des faits contingents.
Ainsi, tout d'abord, le principe de la justice en soi, impliquant un certain
ordre des rapports humains, que doive sanctionner le pouvoir social, s'impose,
sous l'intuition de la raison, avec une force absolue ; de telle sorte, que tout acte
d'interprétation juridique en emporte, de lui-même, la reconnaissance et la proclamation directes.
Sous cette notion dominante, se rangeront des principes, moins absolus, que
la raison nous révèle avec une généralité inférieure, et dont la mise en œuvre
dépendra déjà, en quelque mesure, de considérations contingentes : tels, le principe qui reconnaît à tout être humain le droit absolu d'agir et de développer ses
facultés, suivant sa nature et en vue de sa fin, sous la condition seulement de respecter le droit égal d'autrui118 ; - ou le principe de la conservation sociale et de la
prépondérance des intérêts communs sur les intérêts particuliers119 ; - celui de
l'égalité, au moins abstraite, qu'il faut maintenir entre les hommes dans la sphère
juridique120 ; - etc., etc.
À un degré, plus bas encore, la conscience nous suggérera des règles ou
maximes de conduite juridique, plus rapprochées des faits, et ne trouvant, que
dans un étroit contact avec ceux-ci, leur pleine mise en valeur effective : ainsi, la
règle de l'engagement en vertu d'une promesse librement faite et acceptée ; - la
maxime, que nul ne doit s'enrichir sans cause aux dépens d'autrui ; - celle, suivant
laquelle chacun doit réparer le dommage causé par sa faute ; - etc.  Autant de
notions, issues de la pure justice, mais dont pourtant l'observation de la vie sociale
peut seule préciser la portée et assurer l'efficacité pratique121.
Il faut donc le reconnaître, il existe des principes de justice, révélés par la
raison on par la conscience morale, auxquels les éléments variés et mouvants de la
vie sociale donneront, seuls, leur empreinte positive, mais dont le siège est en
116. Ch. Beudant, Le Droit individuel et l'État, 1891, p. 37-38. - Cpr. Aristote, HΘIKΩN NIKOMAKEIΩN, lib. V, cap. X (XIV), § 4. - Voy. encore : C. Sigwart, Logik, t. II, p. 737.
117. Cons Sigwart, Logik, t. II, 1893, p. 738-739.
118. L'idée essentielle, contenue dans ce principe, se retrouve au fond de la plupart des systèmes.
Voy. notamment : Kant, Éléments métaphysiques de la doctrine du Droit, trad. J. Barni, 1854, p. 43.
- H. Spencer, Justice, trad. Castelot, 1893. p. 51-54. - Léon Bourgeois, Solidarité, 1896, p. 97-114.
- A. Boistel, Cours de philosophie du droit. 1899, nos 41-49, t. I, p. 72-85. - Cpr. Savigny. Traité de droit
romain, trad. Guenoux, t. I, 1840, p. 326. - Voy. aussi Déclaration des Droits de 1789, art. 4 ; de 1793,
art. 6 : de l'an III, art. 2.
119. Comp. H. von Jhering, Der Zweek im Recht, t. I3, 1893, p. 443 et sq., p. 512 et sq.
120. Comp. F. Endemann, Einführung in das Studium des B. G., t. I3, 1899, p. 6-7.
121. Comp. A. laine, Introduction au droit international privé, t. I, 1888, p. 20.
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