Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e - 139

D) L'hypothèse de la responsabilité de Germaine
Liam ayant perdu sa mère et ayant un père déchu de l'autorité parentale, il est
soumis au régime de la tutelle en application de l'article 390 du Code civil. La
responsabilité du tuteur n'est toutefois pas visée par l'article 1242 du Code civil
qui n'envisage que les « père et mère ». En effet, la jurisprudence exige bien qu'un
lien de filiation existe entre l'enfant et la personne responsable sur ce fondement.
Rien n'indique que Liam a fait l'objet d'une adoption par ses grands-parents, étant
précisé, de surcroît, que depuis la loi n° 2022-219 du 21 février 2022, l'adoption entre
ascendants est prohibée sauf motif grave apprécié par le tribunal (C. civ., art. 346).
La question se pose de savoir s'il peut exister un principe analogue de responsabilité
du tuteur du fait du mineur sous tutelle. L'avant-projet de loi portant réforme
de la responsabilité civile prévoit d'intégrer au Code civil un article 1246 posant la
responsabilité du tuteur sur le modèle de la responsabilité parentale mais ce texte
n'est pas de droit positif. En l'état, la Cour de cassation a jugé dans l'arrêt Blieck
(Ass. plén., 29 mars 1991) qu'une personne qui « accepte la charge d'organiser et
de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'un handicapé mental dans un
milieu protégé, en le soumettant à un régime comportant une totale liberté de circulation
dans la journée, doit répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa
1er
, du Code civil, [1242] et est tenue de réparer les dommages qu'il a causés ».
Cette extension de la responsabilité du fait d'autrui a également été appliquée au
tuteur d'un mineur, dès lors que le tuteur a la garde du mineur et la charge d'organiser
et de contrôler à titre permanent son mode de vie (Cass. crim., 28 mars 2000,
n° 99-84.075, publié). Il s'ensuit que la responsabilité du tuteur d'un mineur n'est
engagée que si les conditions posées dans l'arrêt Blieck sont réunies.
En l'espèce, Liam a été confié à ses grands-parents maternels chez qui il réside.
Cette mesure n'est pas informelle mais résulte assurément d'une décision de justice
: lors du retrait de l'autorité parentale, le juge a dû désigner les personnes à qui
l'enfant a été confié (C. civ., art. 380). Par ailleurs, Germaine, la grand-mère de Liam,
a été désignée tutrice par le conseil de famille. En cette qualité, elle a la garde de
Liam et exerce les prérogatives de l'autorité parentale, ce qui signifie qu'elle a bien
la charge d'organiser et de contrôler à titre permanent son mode de vie.
Sa responsabilité est donc susceptible d'être engagée.
Il reste à déterminer si l'application de cette règle requiert une faute de l'enfant
ou un simple fait causal comme en matière de responsabilité parentale. La
jurisprudence ne s'est pas encore prononcée clairement sur ce point. Toutefois,
en l'espèce, cette incertitude ne constitue pas un obstacle à l'engagement de la
responsabilité de Germaine puisque le comportement de Liam est à la fois un fait
causal du dommage subi par Madame Simone et présente également les caractères
d'une faute (v. supra).
En outre, aucune cause d'exonération ne semble pouvoir faire obstacle à la
responsabilité de Germaine. L'absence de faute ne constitue pas une cause d'exonération
(Cass. crim., 26 mars 1997, n° 95-83.958). Sans même qu'il soit nécessaire
de s'interroger plus avant sur la portée des causes d'exonération dans ce régime
de responsabilité, force est de constater que ni le fait d'un tiers, ni une éventuelle
faute de la victime ni a fortiori de cas de force majeure ne peut être retenu en
l'espèce.
En conclusion, la responsabilité de Germaine peut être engagée.
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