Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e - 155

La Cour de cassation répond par la négative et approuve la cour d'appel d'avoir
retenu que dans ces conditions l'enfant « ne pouvait être considéré comme ayant
acquis les pouvoirs de direction et de contrôle sur l'arme dont il avait fait usage », de
sorte que la preuve d'un transfert de garde n'était pas rapportée.
Cette décision apporte une intéressante contribution à la délimitation des conditions
du transfert de garde. La garde est l'une des conditions d'engagement de la
responsabilité du fait des choses. Le transfert de la garde fait partie des moyens de
défense pouvant être invoqués par la personne dont la responsabilité du fait des
choses est recherchée : si le moyen est admis, sa responsabilité n'est pas engagée
car les conditions de cette responsabilité ne sont plus réunies. L'arrêt suscite l'intérêt
en ce qu'il neutralise le transfert de la garde d'une arme à un enfant pour des motifs
tenant à la subjectivité de ce dernier. Cette vision est véhiculée au travers d'un raisonnement
classique fondé, en premier lieu, sur l'insuffisance du transfert de l'usage
de la chose (1) et, en second lieu, sur l'absence de transfert des autres attributs de
la garde que sont la direction et le contrôle (2).
1 * L'insuffisance du transfert de l'usage de la chose
Les demandeurs au pourvoi prétendaient que le transfert de l'usage de l'arme à
l'enfant suffisait à emporter le transfert de garde. Cette thèse est rejetée par la Cour
de cassation qui rappelle que pour qu'il y ait transfert de garde, le seul constat d'un
transfert de l'usage est insuffisant, et ce en dépit de la conception matérielle de la
garde (A) et de la soustraction de la chose avérée en l'espèce (B).
A) L'insuffisance malgré la matérialité de la garde
En l'espèce, le moyen motivait la thèse du transfert de la garde de l'arme à l'enfant
en adoptant un « point de vue exclusivement matériel » relatif à la garde : l'enfant
aurait acquis tous les attributs de la garde en appréhendant matériellement l'arme
qui fut l'instrument du dommage. Cette thèse est logiquement rejetée par la Cour
de cassation qui, sans remettre en cause la conception matérielle de la garde, fait
application des critères de détermination juridique du gardien.
La conception matérielle de la garde décrit le droit positif depuis l'arrêt Franck rendu
en 1941. Dans cette affaire, les héritiers d'une victime décédée après avoir été renversée
par une automobile avaient tenté d'engager la responsabilité de plein droit de
son propriétaire. Celui-ci a néanmoins pu échapper à sa responsabilité du fait de la
chose en démontrant qu'en raison du vol de son véhicule, il n'en était plus gardien.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour de cassation a défini la garde comme un
pouvoir effectif exercé sur la chose caractérisé par trois éléments : l'usage, la direction
et le contrôle de la chose. Le voleur ayant acquis les trois attributs de la garde,
il était devenu le gardien. Cet arrêt rompt avec la conception juridique de la garde
qui attachait jusqu'alors la qualité de gardien au seul propriétaire.
L'arrêt sous commentaire pourrait sembler revenir sur cette conception matérielle
puisque la qualité de gardien des propriétaires de l'arme est retenue malgré son
appréhension par l'enfant. En réalité, tel n'est pas le cas. Les juges n'ont fait qu'appliquer
les principes qui gouvernent la détermination juridique du gardien en présence
d'une absence de transmission de tous les attributs de la garde.
La détermination juridique du gardien est nécessaire en raison du caractère alternatif
de la garde. En effet, sauf dans des hypothèses particulières, la garde ne peut
être partagée entre plusieurs personnes, de sorte qu'un seul gardien doit être idenVous
pouvez développer les faits
d'un arrêt très important si cela sert
votre commentaire.
En ce sens : H. Conte, « La
réviviscence de la garde juridique »,
Dalloz actu. 17 déc. 2020.
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