Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e - 179

La prévalence de la conception technique se laisse entrevoir dans la jurisprudence
de la Cour de cassation. Tout engin permettant le déplacement et équipé de roues
et d'un système de motorisation avec faculté d'accélération est en principe un véhicule
terrestre à moteur. Ainsi, dans un arrêt du 24 juin 2004, la Cour de cassation
décide qu'une tondeuse à gazon est un véhicule terrestre à moteur dès lors qu'il
s'agit d'un « engin à moteur doté de quatre roues lui permettant de circuler, équipé
d'un siège sur lequel une personne prend place pour le piloter ». Dans un arrêt du
22 octobre 2015, c'est une mini-moto qui « se déplaçait sur route au moyen d'un
moteur à propulsion, avec faculté d'accélération » qui a été qualifiée de véhicule
terrestre à moteur. A contrario, la haute juridiction considère qu'un engin équipé de
chaînes pour le damage n'entre pas dans le domaine du texte. Des décisions plus
disruptives se rencontrent néanmoins, telle celle qui exclut la qualification de véhicule
terrestre à moteur pour les véhicules assimilables à des jouets, à l'instar d'une
voiture miniature pourtant motorisée.
La conséquence de la conception technique est qu'un fauteuil roulant électrique
aurait dû être qualifié de véhicule terrestre à moteur. En effet, à l'instar de la tondeuse
à gazon, il s'agit d'un engin à moteur doté de quatre roues lui permettant de circuler
et équipé d'un siège. C'est du reste ainsi que la cour d'appel avait raisonné en
retenant qu'il s'agissait d'un dispositif « muni d'un système de propulsion motorisée,
d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, le fauteuil
roulant de Mme
[F] a vocation à circuler de manière autonome ».
Pour asseoir le recours à la conception technique, la cour d'appel se référait à l'article
L. 211-1 du Code des assurances, lequel définit le champ de l'assurance obligatoire,
et donne, à cette fin, une définition technique du véhicule terrestre à moteur :
« tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par
une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même
non attelée ». Même si ce texte n'a pas vocation à définir le périmètre de la loi du
5 juillet 1985, il n'en demeure pas moins que son utilisation n'est pas dénuée de pertinence
dans la mesure où les solutions jurisprudentielles sont souvent dictées par
le souci de corréler les domaines d'application de la loi du 5 juillet 1985 et celui de
l'assurance obligatoire, ce que souligne la régulièrement doctrine.
En cassant, malgré sa cohérence avec la jurisprudence habituelle, la décision de la
cour d'appel, la haute juridiction marque une rupture avec la conception technique
au profit de l'adoption d'une conception humaniste du véhicule, laquelle demeure
exceptionnelle puisque strictement dictée par la protection due aux personnes handicapées
(B).
B) L'adoption d'une qualification humaniste exceptionnelle
Pour dénier au fauteuil roulant électrique servant au déplacement de la personne
handicapée la qualité de véhicule terrestre à moteur, la Cour de cassation met en
œuvre une interprétation originale et contextualisée de la loi du 5 juillet 1985 qui tient
à la fois de l'interprétation conforme et de l'interprétation téléologique.
L'interprétation conforme se révèle à la lecture du visa de la décision, rendue sur le
fondement des articles 1er
, 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 « tels qu'interprétés
à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention
internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 ». La Cour
de cassation entend donner un sens à la loi nationale conforme aux exigences du
traité international protégeant l'autonomie et les droits des personnes handicapées
dans le respect du principe de non-discrimination.
Il est souhaitable qu'une
problématique interne à chaque
sous-partie puisse être discernée ;
ici, l'axe du commentaire
tourne autour des méthodes
d'interprétation mises en œuvre.
Cette approche est appropriée
compte tenu de la portée
normative de cette décision
mais ce n'était pas la seule
envisageable.
Même si cela ne constitue pas
une attente de tous les correcteurs,
la structuration interne des
développements est toujours
appréciable ; lorsque vous
parvenez à poser des titres noyés
en début de sous-développement,
c'est encore mieux.
Cass. 2e
civ., 24 juin 2004,
n° 02-20208 : Bull. civ. II, n° 308.
N'hésitez pas à situer l'arrêt
commenté par rapport à la
jurisprudence antérieure en
précisant les exemples se
rapportant aux questions traitées.
Cass. 2e
civ., 22 oct. 2015,
n° 14-13994 : Bull. civ. II, n° 838.
Cass. 2e
civ., 20 mars 1996 :
Bull. civ., II, n° 67.
Cass. 2e
civ., 4 mars 1998,
n° 96-12242 : Bull. civ. II, n° 65.
Pour éviter la paraphrase, privilégiez
dès que possible
la citation in extenso de l'arrêt ;
de cette manière vous ne
dénaturez pas l'arrêt et manifestez
que le reste du commentaire
constitue un apport par rapport
à ce qui est dit par la Cour.
V. ainsi, Ph. Brun, Responsabilité
civile extracontractuelle,
5e
éd., 2018, LexisNexis, n° 691 ;
Rép. civ., vo « Responsabilité -
Régime des accidents de la
circulation », par P. Oudot, 2019,
[actu. mars 2021], n° 9.
177

Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e

Table des matières de la publication Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e