Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e - 35

prévisibilité des solutions ? Ce dernier élément est également traité par la Cour de
cassation qui prend le soin de justifier de l'application immédiate du revirement au
regard de la protection des droits fondamentaux.
B) La justification de l'application immédiate du revirement
La haute juridiction énumère plusieurs arguments afin de justifier de l'application
immédiate du revirement dans le temps.
Selon le défendeur au pourvoi, qui souhaitait échapper à la « solution nouvelle »,
il résultait de celle-ci « une atteinte injustifiée et disproportionnée au principe de
sécurité juridique ainsi qu'au droit à un procès équitable et au respect des biens ».
L'argument n'était pas dénué d'intérêts dans la mesure où il est vrai que la possibilité
pour les revirements de jurisprudence de s'appliquer immédiatement aux
instances en cours a été débattue.
En l'espèce, la Cour de cassation n'a pourtant pas limité le périmètre de son revirement.
Selon
elle, cette position est justifiée au regard des sources européennes, en témoigne
d'ailleurs le nombre conséquent d'arrêts de la Cour EDH cités au sein de la
décision. Par cette énumération, il est notamment rappelé qu'il n'existe aucun droit
acquis à une jurisprudence constante ou encore qu'une évolution jurisprudentielle
« n'est pas en soi contraire à une bonne administration de la justice ».
Surtout, s'agissant d'un revirement de jurisprudence « pour le passé », applicable
aux seules promesses conclues avant le 1er octobre 2016, écarter intégralement sa
rétroactivité aurait conduit à anéantir le revirement lui-même.
Dans une autre mesure, le défendeur indiquait qu'il pouvait entretenir « une espérance
légitime » de ne pas être condamné à l'exécution forcée du contrat, compte
tenu de la controverse sur la jurisprudence antérieure et de la réforme du droit des
contrats qui y a mis fin pour l'avenir.
En réalité, la chambre commerciale était invitée à rechercher si l'application rétroactive
du revirement effectué en 2021 ne portait pas une atteinte disproportionnée
au droit de propriété du promettant sur les parts sociales qui faisaient l'objet
de la promesse unilatérale de vente.
Il est vrai que ce droit semblait acquis pour le promettant au jour de la rétractation
illicite de la promesse, puisque, à l'époque (le 8 mars 2016), l'arrêt Cruz était encore
appliqué. Mais la Cour de cassation, pour rejeter l'argument, indique qu'au
moment de la conclusion de la promesse, des controverses doctrinales étaient
présentes et qu'à la date de la rétractation, le 8 mars 2016, le changement normatif
était déjà intervenu. Malheureusement, cet argument n'est pas nécessairement
convaincant dans la mesure où tout changement normatif n'implique pas automatiquement
une évolution jurisprudentielle.
Un retour sur les moyens du pourvoi
peut être intéressant et parfois
justifié. À utiliser toutefois avec
parcimonie, dans la mesure où il
faut veiller à commenter l'arrêt !
Vous montrez ici à votre correcteur
que vous êtes capables de vous
détacher de la technique pour
vous demander « simplement » :
qu'est-ce que tout cela ?
Vous êtes encouragés à formuler
votre opinion sur l'arrêt ! Si cela est
justifié, il ne faut pas hésiter.
33

Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e

Table des matières de la publication Annales corrigées et commentées - Droit des obligations - L2 - 7e