Mémentos - Droit pénal spécial - 5e - 173

CHAPITRE 13 - Les infractions en matière de presse
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Toutefois, la Cour européenne veille à ce que le délit de diffamation ne soit pas instrumentalisé
pour museler la presse, qui doit contribuer au débat public et permettre la
libre discussion des sujets d'intérêt général. Ainsi, les personnages publics, élus, responsables,
doivent supporter les critiques plus qu'un simple citoyen7
.
. Les journalistes ont
toujours le droit d'émettre des jugements de valeur, d'enquêter, et leur publication est
protégée par l'article 10 de la Convention européenne, sous réserve de leur bonne foi et
du sérieux de leurs investigations8
B- L'élément moral
La diffamation est une infraction très particulière, qui fonctionne à l'envers du droit
pénal général. En effet, ce délit intentionnel repose sur la mauvaise foi de l'auteur, qui
est présumée. L'infraction établit donc une présomption de culpabilité, qui toutefois est
réfragable. En effet, l'auteur peut se défendre en démontrant soit sa bonne foi, c'est-àdire
le sérieux de son enquête (notamment lorsqu'il s'agit d'un journaliste9
cité des faits qu'il dénonce : ce second moyen de défense, c'est l'exceptio veritatis
(L. 1881, art. 35), qui permet de renverser la présomption, en démontrant que les faits
allégués ou imputés sont parfaitement exacts. Il existe toutefois une exception, prévue
àl'article 35, alinéa 3, lorsque l'imputation concerne la vie privée, sauf si les faits
imputés constituent des infractions sexuelles commises contre des mineurs (art. 35,
al. 4).
Point de jurisprudence
Bonne foi et sujet d'intérêt général : #balancetonporc
La Cour de cassation s'est prononcée sur le critère de la bonne foi dans les affaires de révélation
dans les médias d'agressions sexuelles par les victimes de ces infractions, notamment par le
hashtag #balancetonporc.La 1re
chambre civile a reconnu par deux arrêts du même jour la
bonne foi des victimes d'infractions sexuelles et la supériorité du débat d'intérêt général,
neutralisant ainsi les poursuites pour diffamation :
Cass. 1re
civ., 11 mai 2022, nº 21-16497 : publié au Bulletin : « En matière de diffamation,
lorsque l'auteur des propos soutient qu'il était de bonne foi, il appartient aux juges, qui examinent
à cette fin si celui-ci s'est exprimé dans un but légitime, était dénué d'animosité personnelle,
s'est appuyé sur une enquête sérieuse et a conservé prudence et mesure dans l'expression,
de rechercher en application du paragraphe 2 [de l'article 29], tel qu'interprété par la
Cour européenne des droits de l'Homme, si lesdits propos s'inscrivent dans un débat d'intérêt
général et reposent sur une base factuelle suffisante, afin, s'ils constatent que ces deux conditions
sont réunies, d'apprécier moins strictement ces quatre critères, notamment l'absence
d'animosité personnelle et la prudence dans l'expression. La cour d'appel a retenu que les
propos litigieux contribuaient à un débat d'intérêt général sur la dénonciation de comportements
à connotation sexuelle non consentis de certains hommes vis-à-vis des femmes et de
nature à porter atteinte à leur dignité. [...] la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les
propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et demeuraient mesurés, de
sorte que le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à Mme J. [rejet]».
), soit la véra--
7.
CEDH, 18 sept. 2008, Chalabi c/ France, nº 35916/04.
8. CEDH, 10 janv. 2012, nº 29064/08 et 29979/08, Floquet et Esménard c/ France.
9. Cass. crim., 1er
déc. 2020, nº 19-87379 : publié au Bulletin.

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