Mémentos - Droit pénal spécial - 5e - 211

CHAPITRE 18 - Le recel
211
------------------------------------------------------------------------------------------Cass.
crim., 13 mai 1991, nº 90-83520 : Bull. crim., nº 200 : « la communication des documents
en cause ne peut avoir eu lieu qu'en infraction aux dispositions de l'article 11 du Code
de procédure pénale protectrices du secret de l'enquête et de l'instruction, s'agissant en
l'espèce soit d'une information clôturée par une ordonnance de non-lieu dans la première
affaire, soit de procédures en cours pour les deux autres ; que la juridiction du second degré
en conclut que le délit de recel de violation du secret de l'enquête et de l'instruction est caractérisé
par la publication, dans les revues précitées, des photographies, obtenues de manière illicite,
étant observé que, compte tenu de la nature des clichés concernant ces trois affaires, et en
outre des déclarations de Z...., aucun des prévenus ne pouvait ignorer qu'ils provenaient
d'enquêtes judiciaires ; [rejet] ».
Obs. J.-P. Delmas-Saint-Hilaire sous Cass. crim., 13 mai 1991 : RSC 1992, p. 312 : « au plan
théorique, on soulignera qu'une dimension inhabituelle est donnée en l'espèce au recel de
choses : le délit, dans le cas considéré, cesse d'être une infraction contre les biens pour
devenir une infraction contre la chose publique, plus précisément contre la bonne administration
de la justice ».
CEDH, 21 janv. 1999, Fressoz et Roire c/ France : dans cette affaire relative à la publication
par la presse des revenus d'un dirigeant de grande entreprise (données envoyées au journal
par lettre anonyme), la Cour de Strasbourg note que « seuls les fonctionnaires des services
fiscaux auraient été tenus au secret. Tout autre individu, tel un membre du comité d'entreprise
ou de la famille du dirigeant de Peugeot, aurait pu révéler l'information sur ses revenus ». Par
conséquent, une telle violation ne peut être reprochée à des journalistes ayant répercuté dans
un article de presse des données reçues par lettre anonyme.
De même, dans une affaire jugée en 2016 relative à la reproduction dans un ouvrage écrit par
des journalistes de larges extraits d'une information judiciaire, la Cour de cassation a décidé
que l'instruction préparatoire n'avait « pas permis d'établir que la divulgation de ces informations
avait été effectuée par une personne astreinte au secret professionnel ni que les journalistes
mis en cause avaient matériellement détenu les documents litigieux, couverts par le secret
de l'enquête ou de l'instruction » (Cass. crim., 11 mai 2016, nº 15-82365 : Bull. crim., nº 146) ;
l'infraction de recel de violation de secret professionnel a donc été écartée. La même solution a
prévalu dans l'affaire dite de la tuerie de Chevaline, où la presse avait diffusé des photos des
cadavres prises sur la scène de crime (Cass. crim., 1er
mars 2017, nº 16-81378, inédit).
En revanche, un journaliste fut condamné pour avoir publié un portrait-robot confidentiel d'un
violeur en série - portrait par ailleurs erroné - (Cass. crim., 9 juin 2015, nº 14-80713 :
Bull. crim., nº 142). Cette condamnation pénale du journaliste a été approuvée par la Cour
européenne dans l'arrêt Sellami c/ France du 17 décembre 2020, nº 61470/15 : « la diffusion
du portrait-robot, qui a été faite hors le cadre de la procédure réglementée de l'appel à
témoin, ne pouvait rien apporter d'utile à l'enquête mais au contraire elle en a compromis le
déroulement ; [...] le souci premier [du journaliste] n'était pas d'informer utilement ses lecteurs
mais de faire un scoop, au mépris du respect du secret de l'instruction ; [la Cour relève par
ailleurs que] la liberté d'expression peut être soumise à des restrictions nécessaires à la protection
de la sûreté publique et la prévention des crimes, dans lesquelles s'inscrivent les recherches
mises en œuvre pour interpeller une personne dangereuse ».
Réforme Dupond-Moretti : à propos du secret de l'enquête et de l'instruction, on remarquera
que, depuis la loi du 22 décembre 2021, l'article 434-7-2 du Code pénal a été réécrit
afin de sanctionner le fait pour toute personne qui, en raison de ses fonctions, a connaissance,
en application du Code de procédure pénale (magistrats, greffiers, policiers, experts, traducteurs,
avocats, etc.) d'informations issues d'une enquête ou d'une instruction en cours concernant
un crime ou un délit de révéler sciemment ces informations à des tiers est puni de 3 ans
d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Et désormais, c'est vers l'article 434-7-2 du
Code pénal que l'article 11 du Code de procédure pénale renvoie.
Mémentos - Droit pénal spécial - 5e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit pénal spécial - 5e
