Mémentos - Droit pénal spécial - 5e - 241

CHAPITRE 23 - Les atteintes à l'action de la justice et l'autorité de l'État
1) Les éléments constitutifs
Tout d'abord, concernant le champ de ce délit, il est strictement et doublement défini,
tant au regard des infractions que des victimes. En effet, d'une part, la non-dénonciation
n'est applicable qu'à des victimes des comportements visées à l'article 434-3, c'est-àdire
des privations, des mauvais traitements, des agressions sexuelles ou des atteintes
sexuelles. Et d'autre part, ces infractions doivent avoir pour victime soit un mineur, soit
une personne vulnérable. En revanche, à la différence de la non-dénonciation de crime,
il n'y a aucune exigence relative à la prévention ou à la limitation des effets de l'infraction
: autrement dit, aucun caractère utilitaire n'est ici requis, et le délit de non-dénonciation
de maltraitances et infractions sexuelles contre mineurs est réalisé même s'il n'est
pas ou plus possible, en parlant, d'en prévenir ou limiter les effets. Cette infraction est,
depuis la loi du 3 août 2018, désormais une infraction continue.
Ensuite, quant à l'élément matériel, le comportement de l'auteur se résume à un
silence, autrement dit une omission, alors que sa prise de parole aurait permis d'éviter
la perpétration ou la continuation de privations, de mauvais traitements ou d'infractions
sexuelles. Mais cette obligation de dénonciation porte uniquement sur les faits ; elle ne
s'étend pas à l'identité des protagonistes, la jurisprudence estimant qu'il appartient aux
autorités judiciaires de diligenter les enquêtes propres à l'identification tant des auteurs
d'infractions que leurs victimes. Elle doit également se combiner avec le secret professionnel
(v. Chapitre 11).
Enfin, quant à l'élément moral,l'infraction est volontaire.
Pour aller plus loin
Pédophilie dans l'Église et non-dénonciation d'infractions sexuelles
Un évêque peut-il invoquer un secret professionnel pour ne pas dénoncer un prêtre de
son diocèse coupable de pédophilie ? La réponse est négative, comme l'ont rappelé diverses
juridictions du fond : « L'information, reçue par un évêque, révélant des atteintes sexuelles
commises par un prêtre de son diocèse sur des mineurs de 15 ans, ne relevant pas de la confidence,
l'option de conscience tirée du secret professionnel ne peut donc être appliquée. Les
éléments matériels et l'élément intentionnel du délit de non-dénonciation de mauvais traitements
ou privations infligés à un mineur de 15 ans étant réunis, le coupable est puni de
3 mois d'emprisonnement avec sursis ». Le prêtre pédophile fut, quant à lui, condamné à
18 ans de réclusion criminelle (TGI Caen, 4 sept. 2001, D. 2002, somm. p. 1803, obs. Roujou
de Boubée).
Un évêque est-il tenu de dénoncer des faits prescrits ou des faits pour lesquels les
victimes sont devenues majeures ? La question a d'abord reçu une réponse positive (TGI
Lyon, 7 mars 2019, Dalloz actualité, 18 mars 2019, obs. Fucini : « Affaire Barbarin : retour sur
la condamnation pour non-dénonciation de mauvais traitements »). Mais cette décision fut
réformée en appel (CA Lyon, 30 janv. 2020 : Dalloz Actualités, 4 févr. 2020, obs. Fucini). Et,
sur pourvoi des seules parties civiles, la Cour de cassation a confirmé que le Cardinal poursuivi
n'avait pas à dénoncer les faits de pédophilie, les victimes étant devenues majeures :
«L'article 434-3 est inséré dans une section du Code pénal intitulée " Des entraves à la saisine
de la justice " . Or, loin de poser un principe général obligeant les particuliers à dénoncer tous les
faits délictueux dont ils ont connaissance, principe qui n'est énoncé nulle part ailleurs dans le
Code pénal, les dispositions contenues dans cette section ne rendent la dénonciation obligatoire
que lorsqu'elle est particulièrement nécessaire en raison de certaines circonstances de
fait. Comme tout texte d'incrimination, surtout s'il ne découle pas d'un principe général, cette
disposition doit être interprétée de manière stricte. Cet article a pour but de lever l'obstacle aux
poursuites pouvant résulter de ce que l'âge ou la fragilité de la victime l'ont empêchée de
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