Mémentos - Droit pénal spécial - 5e - 46

46
MÉMENTOS - DROIT PÉNAL SPÉCIAL
A- L'élément matériel de l'infraction
L'infraction nécessite tout d'abord une administration, ensuite des substances nuisibles,
et enfin, une atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui.
1) L'administration
Elle se définit par le fait de « faire prendre » à la victime la substance nuisible. Cette
administration peut être réalisée par n'importe quel moyen : ingestion, respiration,
piqûre, relations sexuelles (pour le VIH), etc. Ainsi, le fait pour un salarié d'exposer son
supérieur hiérarchique à des ondes radioactives en plaçant à son insu un queusot radioactif
sous le siège de sa voiture caractérise l'infraction8
. La substance nuisible doit passer
dans le corps de la victime, quels que soient les moyens utilisés par l'auteur.
2) Les substances nuisibles
Ces substances doivent être objectivement nuisibles, sans être mortelles par nature
(sinon, l'infraction adéquate est l'empoisonnement). Il peut s'agir par exemple de
produits chimiques, de médicaments (laxatifs, anxiolytiques, somnifères...), de plantes
toxiques ou encore du virus HIV provoquant le Sida.
Point de jurisprudence
Le fait de verser du Valium dans l'eau de l'équipe de football adverse (pour l'empêcher de
gagner) constitue une administration de substances nuisibles (Cass. crim., 14 juin 1995, nº 1483025
: Bull. crim., nº 218). Constitue également l'administration de substances nuisibles
l'introduction d'un antipsychotique (la périciazine) dans les briques de lait que consomme la
victime (Grenoble, 28 févr. 2002, JCP 2002, IV, 3083), ou dans son jus d'orange, entraînant
une impuissance sexuelle chez la victime (Cass. crim., 3 févr. 2010, nº 09-82134, inédit), ou
encore d'une plante nocive dans sa tisane (Cass. crim., 23 mars 2021, nº 20-81713, inédit). De
même, un virus tel que le VIH caractérise une substance nuisible entraînant l'application de
l'article 222-15 du Code pénal (Cass. crim., 10 janv. 2006, nº 05-80787 : Bull. crim., nº 11 ;
Cass. crim., 5 oct. 2010, nº 09-86209 : Bull. crim., nº 147).
3) L'atteinte subie par la victime
L'administration de substances nuisibles étant une infraction de résultat, c'est à partir du
dommage effectivement constaté (ITT, mort, atteinte légère, etc.) que la qualification
peut être correctement restituée. Ainsi, en cas de contamination par le VIH lors de relations
sexuelles non protégées (l'auteur cachant sa séropositivité), le résultat est, selon la
jurisprudence, une infirmité permanente ; la qualification est alors délictuelle si aucune
cause d'aggravation n'est constatée. En revanche, en l'absence de contamination par
le VIH de la victime, l'élément matériel de l'infraction fait défaut et le prévenu doit
donc être relaxé, puisque, selon la chambre criminelle, les faits ne sont susceptibles
d'aucune autre qualification pénale9
.
--
8. TGI Cherbourg, 31 mars 1981, RSC 1982, p. 119, obs. Levasseur.
9. Cass. crim., 5 mars 2019, nº 18-82704 : publié au Bulletin.
Mémentos - Droit pénal spécial - 5e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit pénal spécial - 5e
