Revue Droit & Littérature N°5-2021 - 309

Variétes
autre autorité officielle. Pour Smith100
jurisprudence Dudley and Stephens101
, l'absence de toute poursuite a ouvert une brèche dans la
, laquelle avait établi en common law que la nécessité ne pouvait
constituer une défense valable à l'encontre d'une accusation de meurtre.
Finalement la planche de Carnéade aurait-elle laissé la place à l'échelle de Zeebrugue ?
III. De l'extrême nécessité : cannibalisme
maritime et survie
Plus spectaculaire encore que le sacrifice d'un passager pour alléger une embarcation, s'avère
. Inspirée par la chronique
publicité Alka Seltzer de 1997 ayant gagné le Lion d'or de la publicité à Cannes104
, voire le sketch Lifeboat des Monty Python ou encore la mémorable
. Souvent, la
le cannibalisme de survie commis en mer lorsque les vivres sont épuisés. Si la pratique est le plus
souvent réprouvée sur terre, elle est davantage tolérée sur les océans102
des désastres maritimes, la littérature s'est avérée très inventive jusque dans certains genres inattendus
pour un tel sujet, comme la comédie, à l'instar du Sea Voyage dans lequel Fletcher parodie
La Tempête de Shakespeare103
menace du cannibalisme apparaît comme une épreuve de la providence divine testant les naufragés,
les sauveteurs paraissant au moment où le sacrifice allait intervenir, avec évidemment
des échos du sacrifice d'Abraham105
que constitue la manducation d'un malheureux déjà mort. L'idée a divisé les théologiens106
Rares sont les juristes à aborder directement la question, comme Grimaudet qui exclut toute
responsabilité pénale en cas de cannibalisme de nécessité107
les naufragés ne sont pas poursuivis pour avoir mangé le cadavre de l'un des leurs, comme dans
le cas du Nottingham Galley en 1710108
. Pour sa part, le droit naturel admet l'atteinte au cadavre
.
. Dans les faits, traditionnellement,
. Dans ce domaine, la tragédie du Cospatrick a marqué les
esprits comme le plus grand désastre maritime de l'ère victorienne : sur les près de cinq cents
personnes à bord, hommes, femmes et enfants, seuls trois hommes sur les 62 ayant pu prendre
100. Op. cit., p. 78.
101. Dudley and Stephens, 14 Q.B.D., at 281.
102. V. L. de Carbonnières, « Chair interdite ou chair tolérée : le cannibalisme de nécessité », La chair : perspectives croisées, Paris, 2018,
p. 87-106 ; P. Thompson, « No Chance in Nature : Cannibalism as a Solution to Maritime Famine c. 1750-1800 », dans American
Bodies : Cultural Histories on the Physique, éd. par T. Armstrong, New York, 1996, p. 32-44.
103. V. L. Noble, « ʻIs there No Meat Above ?ʼ : The Story of Starvation, Cannibalism, Corpse, Drugs and Divine Matter in The Sea
Voyage », Australasian Universities Language and Literature Association, 2007, p. 255-262.
104. Lifeboat de Julian Dyer pour l'agence Abbott Mead Vickers BBDO, avec la voix off inimitable de Sir Donald Sinden déclarant
après le repas cannibale : « When you've eaten something you shouldn't have ».
105. L'exemple littéraire le plus célèbre est Mr James Janeway's Legacy to His Friends, Containing Twenty Seven Famous Instances of God's
Providences in and about Sea Dangers and Deliverances..., London, 1674 ; v. aussi J. Sievers, « Drowned Pens and Shaking Hands : Sea Providence
Narratives in Seventeenth-Century New England », The William and Mary Quaterly, 3e
série, vol. 63, n° 4, oct. 2006, p. 743-776.
106. L. de Carbonnières, op. cit.
107. F. Grimaudet, Des causes qui excusent de dol, livre unique, Paris, 1569 (ici éd. de 1585), n° 23/24 : « Nécessité n'est autre que la force
qui contrainct (...) », ainsi celle qui « contrainct à la rage de se devorer les uns les autres ».
108. A. Vietze et E. Stephen, Boon Island: A True Story of Mutiny, Shipwreck and Cannibalism, Gilford, 2012 ; pour une adaptation littéraire,
K. Roberts, Boon island, Including Contemporary Accounts of the Wreck of the Nottingham Galley, Hannover (USA), 1996 [1re
éd. 1956].
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