Contextes - Penser la technique juridique - 227

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la pratique ; quand la complexité croissante du droit est nourrie par le
technicisme formel de son écriture »27.
Il y a donc incontestablement un consensus pour admettre que le droit
positif ne présente pas les qualités qu'il devrait avoir. Aucune voix véritablement discordante ne se fait entendre à ce sujet. Certes, des travaux
ont montré que la mesure de l'inflation normative était délicate et que les
chiffres présentés par le Conseil d'État en 1991 et en 2006 pouvaient, par
exemple, être remis en cause28. Certains auteurs se sont en outre efforcés de
se demander quels intérêts étaient servis par de tels discours29. toutefois,
malgré ces quelques travaux un peu dissonants30, il ne semble pas que les
dysfonctionnements du droit constatés tant par la doctrine juridique que
par les plus hautes institutions de l'État puissent être sérieusement remis
en cause31. et cela même si les pouvoirs publics ont engagé, ainsi que cela
a été relevé plus haut, diverses réformes dans les années récentes tendant
à y remédier.
Au nombre des dysfonctionnements dont j'ai déjà évoqué quelques
manifestations figure ce que l'on appelle parfois la technicisation du droit.
Ceux qui évoquent ce phénomène ne prétendent pas que le droit ne serait
pas une technique mais qu'il serait envahi par une technicité a-juridique,

27. JCP G 2014, act. 470. V. encore, parmi d'autres illustrations très récentes d'articles ou
éditos au titre évocateur : J. Morand-Deviller, « Légistique et sémantique, Le non-dit, le
mieux-dit, plaidoyer pour l'épure », in Mélanges en l'honneur de D. Truchet, Dalloz, 2015,
p. 399-410 ; Ph. Billet, « La simplification du droit dans toute sa complexité. À propos
des projets de simplification en matière d'urbanisme, d'environnement et de patrimoine
culturel », JCP A 2015, 2062 ; D. de Béchillon, « Prudence, réfléchir pour faire de meilleures lois ? », JCP G 2013, act., 1392.
28. V. sur ces questions : h. Moysan, « À propos de l'inflation des chiffres mesurant
l'inflation des lois », D. 2007, p. 3029-3032 ; e. Grass, « L'inflation législative a-t-elle un
sens ? », RDP 2003, p. 139-162. Dans son étude annuelle de 2016, le Conseil d'État met en
avant la difficulté qu'il y a à « chiffrer » non seulement le nombre et le volume des textes
mais aussi la complexification du droit (op. cit., p. 45).
29. r. Vanneuville, « Les enjeux politico-juridiques des discours sur l'inflation normative », Parlement (s), 2009, n° 11, p. 80-92.
30. S'ils nuancent certains constats ou proposent de nouvelles perspectives, ces travaux ne
contestent toutefois pas l'existence de ces dysfonctionnements (comme le montre d'ailleurs
l'ensemble des articles d'hervé Moysan).
31. La constance de la dénonciation de la dégradation du droit peut toutefois faire douter
de la pertinence de son analyse en termes de crise. C'est ce qu'observait J.-J. Bienvenu dans
son article, « Le droit administratif : une crise sans catastrophe » (Droits 1986, n° 4, p. 94)
en citant r. thom : « une crise est toujours un état évolutif, conçu comme transitoire.
L'état de crise succède à un état considéré (au moins relativement) comme normal. Ou
bien la crise dégénèrera en catastrophe, ou elle finira par se résorber, entraînant avec sa
fin des séquelles dont l'importance et la nature sont très variables » (r. thom, « Crise et
catastrophe », Communications, 1983, p. 35).
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