Contextes - Le formalisme - 14

REGARDS CROISÉS SUR LE FORMALISME

formalisme achève vraiment de mourir, cette agonie est bien lente (...) Si
renaissance il y a, elle n'est guère éclatante »11. Une description fidèle du
formalisme dans telle ou telle branche du droit et à une époque donnée
paraît dès lors suffire, sans qu'il ne soit nécessaire de discuter du sens d'une
quelconque évolution dans la longue durée.
Par-delà ces qualificatifs, une définition irréductible, stipulative et anhistorique du formalisme juridique pourrait être envisagée pour les besoins
de cet ouvrage - dépassant ainsi l'intensité variable de son expression au
fil des siècles et dans les différentes branches du droit.
Le formalisme se caractérise, d'abord, par un aspect extérieur et sensible.
Regardé par Gény comme « l'enveloppe du phénomène caché »12, il suppose
un rite préétabli, assurant ainsi la matérialisation de la volonté. Celle-ci ne
saurait en effet être admise dans la vie juridique sans un minimum d'extériorisation. L'élément formel qui enveloppe les circonstances immatérielles
de l'acte, apparaît alors comme un procédé artificiel et construit, dont la
sanction - l'inefficacité juridique - en fait un pur moyen de technique
juridique.
Dans son acception large, le formalisme juridique se distingue, de plus,
par les fins qu'il poursuit. D'une part, le formalisme vise à protéger les
parties, contre elles-mêmes, d'un engagement irréfléchi et, contre autrui,
d'une éventuelle captation. Que le formalisme conditionne la validité,
la preuve ou l'opposabilité de l'acte, les objectifs peuvent être aisément
regroupés sous la bannière de la sécurité juridique. L'écrit, comme condition de validité de l'acte, tend par exemple à la promotion du consentement
éclairé. En imposant une solennité, le législateur entend que l'auteur de
l'acte, ou les contractants, prennent la pleine mesure de leur engagement,
qu'ils en mesurent la portée, la gravité ou encore l'étendue. C'est au
demeurant ce souhait de protection du consentement et de promotion de
la volonté éclairée qui conduit, bien souvent, à placer le notaire, et dans
une certaine mesure l'avocat, au cœur des solennités13.
Il convient par ailleurs de relever que, ces dernières années, le formalisme
informatif s'est largement développé dans cette dynamique de protection. Le droit de la consommation et le droit du cautionnement en sont

11. Flour J., « Quelques remarques sur l'évolution du formalisme », in Le droit privé français au milieu du xxe siècle. Études offertes à Georges Ripert, t. I, 1950, Paris, LGDJ, p. 94.
12. Gény F., Science et technique en droit privé positif, t. III, op. cit., 1914, Paris, p. 104.
13. V. les contributions de Bonnet G., « Pour un formalisme raisonné des donations » et
de Mochkovitch C., « L'activité d'avocat face au contrat de fiducie : entre formalismes
déontologique et juridique ».

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