Contextes - Le formalisme - 147

LE FORMALISME DE TRANSCRIPTION

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Dans le transfert en deux temps de la propriété immobilière, la vente
transfère le droit subjectif avant que la transcription ne confère à la
propriété, son caractère exclusif. Considérer que la propriété non exclusive - et donc imparfaite - puisse exister, implique que l'opposabilité soit
conçue comme un élément relevant de la nature et non de l'essence de
la propriété. La propriété inopposable - et donc amputée de l'un de ses
éléments constitutifs - serait simplement dénaturée, mais pas inexistante.
Dans la théorie classique, l'opposabilité n'est pas essentielle à la propriété
parce qu'elle est seulement perçue comme une conséquence du pouvoir de
jouir et de disposer du propriétaire41.
Si le recours au formalisme permet de protéger les tiers, l'altération
de la propriété transférée par la vente consensuelle est jugée quant à elle
indispensable au maintien du principe spiritualiste qui fait la spécificité
du Code civil de 1804. Si, pour protéger les tiers, le formalisme de transcription porte atteinte à la nature de la propriété immobilière transférée
par le simple échange des consentements du vendeur et de l'acheteur, il
ne remet pas en cause le principe du transfert consensuel de la propriété42.
Selon Hippolyte-Ferréol Rivière († 1892) et Auguste François, l'altération
temporaire de la propriété est alors rendue possible grâce à la puissance
de la volonté du législateur43. Cette concession du législateur ne remet par

avantage » (Demolombe C., Cour de Code Napoléon, t. IX, Traité de la distinction des
biens : De la propriété. De l'usufruit. De l'usage et de l'habitation, vol. I, 1866, Paris, p. 464,
n° 550).
41. Danos F., Propriété, possession et opposabilité, op. cit., p. 193-194.
42. « [La loi du 23 mars 1855] ne détruit pas le principe excellent et vraiment philosophique,
d'après lequel la propriété se transmet, entre les parties contractantes, par la seule puissance
du consentement. Ce principe est une des bases du Code Napoléon » (Troplong R.-T.,
Privilèges et hypothèques. Commentaire de la loi du 23 mars 1855 sur la transcription en
matière hypothécaire, op. cit., p. 160, n° 1).
43. « Il en est qui pensaient que l'on ne pouvait pas consacrer le principe de la transcription
comme formalité nécessaire pour la consolidation des droits de propriété et autres à l'égard
des tiers seulement, sans commettre pour ainsi dire une inconséquence. Dans ce système,
il faudrait ou rejeter le principe de la transcription, ou bien l'admettre, en bannissant le
principe spiritualiste du Code Napoléon par suite duquel les droits sont transmis par le
seul effet du consentement entre les parties, et que la transcription serait établie en faveur
des tiers comme un moyen de publicité destiné seulement à les mettre en garde contre les
erreurs ou les déceptions. C'est là une inconséquence, elle n'est pas la seule dans les principes de nos codes ; car, d'après plusieurs dispositions, on est souvent réputé propriétaire à
l'égard de telle personne, et on ne peut se prévaloir de cette qualité à l'égard de telle autre :
dans ce cas de contre-lettre, par exemple, et dans celui de cession d'une créance (art. 1321,
1690 C. N.) » (Rivière H.-F. et François A., Explication de la loi du 23 mars 1855 sur
la transcription en matière hypothécaire, 1855, Paris, p. 3-4) ; Id. « Le législateur de 1855
(...) a voulu que les actes translatifs ou constitutifs de la propriété (...) fussent assujettis
à la nécessité de cette formalité pour leur validité à l'égard des tiers » (Rivière H.-F. et
François A., op. cit., p. 7).
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