Contextes - Littératures populaires du droit - 144

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LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

effet, dès le premier numéro, la rédaction précise : « la femme elle-même,
qui injustement peut-être accuse notre législation de partialité, doit profiter
de nos efforts et de notre œuvre »50. Tout au plus, il s'agit là de la concession de ce que la femme, tout comme l'ouvrier, est capable de comprendre
le droit, pourvu qu'il lui soit expliqué par des mots simples. Bien loin
d'ailleurs, l'idée d'inciter les femmes à faire valoir leurs droits ! et l'auteur
d'un article consacré au régime matrimonial de la séparation de bien, de
rappeler que « malgré cette séparation qui donne à la femme la disposition
de ses revenus, il arrive souvent que celle-ci laisse à son mari la jouissance de ses biens », avant de conclure, presque ironiquement, que « les
principes qui régissent la séparation de biens sont donc bien simples »51.
Toutefois, l'absence totale de remise en cause de la domination masculine n'empêche pas à des lectrices de s'aventurer à lire le Droit Populaire,
comme le montrent les traces de celles-ci parmi les courriers des lecteurs
que renferme la rubrique « Petite correspondance ».
Toutefois, le contenu même du Droit Populaire n'apparaît pas toujours
adapté au lectorat dont il est la cible. On constate par exemple une nette
dominante de sujets de droit commercial, ou relatifs au monde de la
justice, qui ne sont pas d'un grand intérêt pour le quarteron de lecteurs
officiellement visé. Cela tient probablement aux chevaux de bataille de
Léonel Oudin, dont on a signalé le poids au sein de l'équipe rédactionnelle.
Sous son pseudonyme, Oudin se montre toujours aussi intarissable sur
les défauts de la justice consulaire52, mais d'autres noms encore mettent
à leur tour autant d'ardeur à la tâche53. Plus largement, le journal s'attaque
aussi aux différentes formes de monopoles et abus sévissant dans le monde
M. rogers, « La critique en portraits : Camille Delaville et ses contemporaines », Sociétés
& Représentations, n° 40 (2015), pp. 95-110. Néanmoins, malgré les modestes évolutions
qu'enregistre alors la condition féminine, le milieu juridique y reste cependant très hermétique, comme le symbolise l'admission fort tardive des femmes dans les Facultés de droit.
Cf. Jean-François Condette, « « Les cervelines » ou les femmes indésirables. L'étudiante
dans la France des années 1880-1914 », Carrefours de l'éducation, n° 15 (2003), pp. 38-61 ;
Carole Lécuyer, « une nouvelle figure de la jeune fille sous la IIIe république : l'étudiante », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 4 (1996), pp. 166-176 ; Natalia Tikhonov
Sigrist, « Les femmes et l'université en France, 1860-1914 », Histoire de l'éducation, n° 122
(2009), pp. 53-70.
50. « Aux lecteurs », Le Droit Populaire, 1880/12/04, op. cit. et loc. cit.
51. un ex-notaire, « Le contrat de mariage », Le Droit Populaire, 1881/01/01 (n° 1),
pp. 34-35.
52. Par exemple, cf. Léo, « La femme commerçante », Le Droit Populaire, 1880/12/11
(n° 2), p. 2 ; Léo, « Les agréés : monopole illégal », Le Droit Populaire, 1881/01/22 (n° 4),
pp. 57-58.
53. C'est le cas d'un dénommé « Nemo », qui affirme par exemple qu'au Tribunal de
commerce de la Seine, « il faut qu'en trois-cents minutes quatre-cents affaires soient jugées »
lors d'une audience. Cf. Nemo, « Devant le juge de paix (suite) », Le Droit Populaire,
1881/02/19 (n° 8), pp. 92-93.
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