Droit et Économie - La petite entreprise - 155

EIRL ET ASPECTS DE DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE 155

car la nullité prévue par l'article 1427 du Code civil ne sanctionne pas que
l'irrégularité d'actes translatifs15.
L'articulation du mécanisme d'affectation d'un bien commun ou indivis
avec les règles de la communauté ou de l'indivision peut soulever bien d'autres difficultés. Par exemple, rien n'est prévu si le conjoint refuse de
consentir à l'affectation d'un bien commun « nécessaire » à l'activité professionnelle de l'entrepreneur (notamment un fonds de commerce créé ou
acquis pendant le mariage et le fonctionnement de la communauté), alors
pourtant que l'article L. 526-6 du Code de commerce impose l'affectation
des biens nécessaires à cette activité. Pour surmonter l'obstacle, il n'y aura
pas d'autre solution que s'en remettre aux dispositions du régime matrimonial primaire, tout spécialement à l'article 217 du Code civil. Ce texte
devrait permettre à l'entrepreneur d'obtenir du juge une habilitation lui
permettant de procéder seul à l'affectation, sauf à prouver que le refus du
conjoint porte atteinte à l'intérêt de la famille. Cette preuve ne semble pas
inaccessible. En creux, l'affectation d'un bien commun met en effet à l'abri
les autres biens familiaux des poursuites des créanciers professionnels de
l'entrepreneur et d'une éventuelle procédure collective. Mais c'est le juge
qui appréciera au vu des circonstances, selon la nature et l'importance du
bien commun à affecter.
La difficulté semble accrue en cas de refus du conjoint ou compagnon coindivisaire de l'entrepreneur de consentir à l'affectation d'un bien indivis à
son activité professionnelle. Sans doute l'article 815-5 du Code civil
énonce-t-il qu'un indivisaire peut se faire autoriser en justice à passer seul
un acte pour lequel le consentement d'un coindivisaire est nécessaire, s'il
est établi que le refus de ce dernier met en péril l'intérêt commun. Cependant, voir dans un tel refus une mise en péril de l'intérêt commun peut
sembler moins évident qu'en régime communautaire car c'est ce refus
même qui préserverait le mieux les biens indivis du gage des créanciers personnels et professionnels de l'entrepreneur. L'article 815-17 du Code
civil ne permet pas en effet de leur accorder des prérogatives directes sur
les biens indivis. Or, l'affectation de biens indivis à l'activité de l'entrepreneur ferait voler en éclat cette protection car les créanciers professionnels
auraient désormais un droit de gage sur ces biens indivis16.
À supposer l'affectation de biens communs ou indivis réalisée, d'autres difficultés d'articulation avec les règles de la communauté ou de l'indivision
15. Tel serait le cas, par exemple, d'une hypothèque conventionnelle irrégulièrement consentie
sur un immeuble dépendant de la communauté.
16. Voir les justes observations de HENRY L. C., « EIRL : quid des biens communs et des biens indivis affectés ? » Rev. proc. coll. nº 2, mars 2011, dossier 23.

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