Hors collection - Droit(s) et Street Art - 55

ARNAUD MONTAS

qu'elle est bien sûr, mais en fonction de ses conséquences dommageables,
surtout. En effet, la loi punit l'acte incriminé pour son résultat tout autant
que pour les procédés employés pour y parvenir ; autrement dit, l'incrimination met l'accent sur les effets dommageables du graffiti autant que
sur le graffiti lui-même.
Concernant la matérialité de l'acte, le dommage se confond donc, d'une
certaine manière, avec la dégradation ou détérioration effective du bien
ayant servi de support au graffiti. Cette atteinte doit d'ailleurs présenter
un certain degré de gravité, ce qui signifie qu'elle doit porter atteinte à la
matière même du bien. A contrario, si aucun dommage réel n'a été causé12,
aucune infraction ne pourra être qualifiée. De manière générale, il y aura
destruction si le bien a été tellement endommagé qu'il n'existe plus en tant
que chose ; la qualification de dégradation sera retenue si l'acte l'a rendu
inapte à sa fonction, et dès lors inutilisable ; enfin, la détérioration semble
diminuer l'utilité de la chose considérée ou en minorer la valeur, mais la
chose peut encore remplir sa fonction13. On suppose donc une certaine
gradation dans les termes, puisque la destruction - peu envisageable en
matière de graffiti - est un acte plus grave qu'une dégradation, elle-même
plus grave qu'une détérioration14. Du latin deterior (« de moindre valeur »),
le mot « détérioration » désigne une situation où le dommage est si léger
qu'il se limite à faire perdre à l'objet une partie de sa valeur sans qu'il soit
devenu inapte à remplir sa fonction principale15. Souvent opérés sur des
murs ou en tout cas sur des supports immobiliers dont ils n'altèrent pas la
solidité - et qu'ils valorisent même parfois de manière spectaculaire -, on
n'hésitera pas à faire entrer les graffitis dans cette dernière catégorie. De
ce point de vue, le graffiti est donc la moins grave de toutes les infractions
envisagées à l'article 322-1.
L'importance du dommage, très difficile à quantifier, est donc centrale
puisque, au-delà de permettre de qualifier l'infraction, elle en conditionne
aussi la dimension délictuelle ou contraventionnelle. Aussi, alors que les
textes incriminant les atteintes aux personnes visent habituellement des
résultats précis, l'article 332-1 du Code pénal fait très largement référence
au dommage qui est résulté de l'acte, ainsi - et surtout - qu'à son importance. Pour être sanctionné, le graffiti doit donc avoir causé un dommage,
même léger, à la chose ; en effet, « la dégradation (...) est punie [d'une
12. Sans doute sera-ce le cas, par exemple, pour un graffiti tracé à la craie ; en ce sens,
v. Cass. crim., 24 juin 1953, S. 1954.1.21, note M.R.M.P.
13. M.-L. Rassat, Droit pénal spécial. Infractions du Code pénal, 7e éd., 2014, Paris, Dalloz,
coll. « Précis », spéc. n° 654, p. 387.
14. D. Viriot-Barrial, V° Destructions - Dégradations - Détériorations, Rép. pén.
Dalloz, janv. 2012, n° 48.
15. Ibid., n° 54.

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