Grands Colloques - L'européanisation du droit - 54

L'EUROPÉANISATION DU DROIT PÉNAL

limites raisonnables, l'obligation imposée aux personnes relevant du droit
communautaire d'être munies d'une carte d'identité ou d'un passeport en
cours de validité, en aucun cas de telles sanctions ne sauraient avoir une
gravité telle qu'elles deviendraient une entrave à la liberté d'entrée et de
séjour prévue par le traité19. De même, dans l'arrêt Auer, la CJCE a conclu
à la neutralisation d'une incrimination pénale relative à l'exercice illégal de
la profession médicale ou paramédicale20.
Plus récemment, l'Italie s'est trouvée dans l'obligation de supprimer
dans son ordre juridique une disposition pénale qui était contraire au droit
de l'UE. Dans l'arrêt El Dridi du 28 avril 2011, la CJUE a répondu à la
question préjudicielle posée par le juge italien que « la directive retour
doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation d'un
État membre qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un
ressortissant d'un État tiers en séjour irrégulier au seul motif que celui-ci
demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet État dans
un délai déterminé, sur ledit territoire, sans motif justifié »21. Dans l'arrêt
Melki du 22 juin 2010, la CJUE a considéré que l'ancien article 78-2 du
Code de procédure pénale (CPP) français relatif aux conditions permettant
d'opérer des contrôles d'identité dans les zones frontalières était contraire
au règlement « Code des frontières Schengen ». La Cour, se basant sur le
principe de l'absence de contrôles aux frontières intérieures prévu par les
traités, a affirmé que les États membres ne peuvent prévoir des contrôles
d'identité dans la zone frontalière sans prévoir l'encadrement nécessaire
garantissant que ceux-ci n'équivalent pas à des vérifications aux frontières.
La France a donc dû modifier ledit article pour se conformer à l'arrêt de
la Cour22.
La compétence pénale des États a ainsi été limitée du fait des obligations
s'imposant en vertu du principe de coopération loyale. Si la coopération
loyale impose de ne pas faire obstacle à la réalisation des objectifs de l'UE,
elle impose dans certaines circonstances des obligations positives aux États.

19. Arrêt du 14 juillet 1977, Concetta Sagulo, Gennaro Brenca et Addelmadjid Bakhouche,
Aff. 8/77.
20. Arrêt du 22 septembre 1983, Vincent Rodolphe Auer contre ministère public, Aff. 271.
21. Y. Luce, « L'influence du droit européen sur le droit pénal français, une évolution
permanente », Juritravail, 29 juin 2012, www.juritravail.com.
22. Ce qui a été fait par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de
la sécurité intérieure du 14 mars 2011, JORF n° 0062 du 15 mars 2011, p. 4582.

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