Les Carrés Rouges - L'essentiel des Grands arrêts du Droit international privé 2017-2018 - 2e - 26

L'ESSENTIEL

DES

GRANDS

ARRÊTS DU

DROIT

INTERNATIONAL PRIVÉ

7 Cass. com., 23 sept. 2014, nº 12-26585, Adrivon
Mais attendu que l'article 23 du Règlement (CE) nº 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) reconnaît la validité de la
clause attributive de juridiction aux seules conditions que l'une des parties au moins soit domiciliée sur le territoire d'un
État membre et que la juridiction désignée soit celle d'un État membre ; qu'ayant constaté que les parties étaient domiciliées sur le territoire d'États membres différents, la cour d'appel a, par ce seul motif, faisant ressortir un élément d'extranéité suffisant à établir le caractère international du contrat, légalement justifié sa décision ; (rejet)

■ Faits
Une société de droit anglais a acquis la totalité des actions d'une société française. Le cessionnaire a assigné l'un des
anciens associés et son fils, pour violation de la garantie d'éviction et concurrence déloyale, devant le tribunal de
commerce de Paris désigné par la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat de cession de droits
sociaux. L'ancien associé et son fils ont soulevé une exception d'incompétence qui a été rejetée.

■ Portée
La distinction des situations internes et internationales est importante, car elle conditionne le texte applicable à la
licéité d'une clause attributive de juridiction. Dans les rapports intraeuropéens, l'article 23 du règlement Bruxelles I
énonce deux conditions pour que les parties puissent avoir recours dans leurs relations à une clause attributive de juridiction. L'une des parties au moins doit avoir son domicile sur le territoire d'un État membre. En outre, la clause doit
désigner la juridiction d'un État membre. Le texte n'exige pas expressément une condition d'internationalité de la situation. Pourtant, cette condition est indispensable dès lors que « l'application du règlement lui-même présuppose un
élément d'extranéité » (Cour de cassation, Rapport annuel 2014, p. 538). À l'évidence, cette condition permet d'éviter
que les parties tentent de soustraire au juge normalement compétent une situation purement interne. La définition de
l'internationalité suscite la controverse.
Dans l'arrêt Keller, la Première Chambre civile de la Cour de cassation se réfère à la « commune volonté des parties »
privilégiant une définition subjective de l'internationalité (Cass. 1re civ., 4 oct. 2005, nº 02-12959). Cette approche a été
vigoureusement critiquée en ce qu'elle confie aux parties le soin de qualifier la nature de leur situation alors que cette
tâche incombe au juge (Jacquet J.-M., JDI 2006, p. 177).
Dans la présente affaire, les demandeurs au pourvoi invoquaient la jurisprudence Keller pour contester la compétence
du juge désigné par la clause attributive de juridiction. Ils soutenaient que les parties n'avaient pas entendu donner au
contrat un caractère international. Ils affirmaient également qu'un seul élément d'extranéité tenant au domicile de
l'une des parties sur le territoire d'un autre État contractant n'était pas suffisant pour donner à la situation son caractère international. La chambre commerciale de la Cour de cassation n'a toutefois pas suivi les arguments des demandeurs au pourvoi ainsi que leur suggestion de saisine de la Cour de Justice en interprétation préjudicielle de l'article 23
du règlement Bruxelles I. La chambre commerciale retient une définition objective de l'internationalité plus appropriée.
Elle estime qu'un seul élément d'extranéité suffit à établir le caractère international du contrat. En l'occurrence, cet
élément résulte de la domiciliation des parties sur le territoire d'États membres différents.
Une solution identique a été retenue par la Première Chambre civile de la Cour de cassation dans le cadre de la mise
en œuvre des dispositions de la Convention de Lugano, solution qu'elle aurait probablement transposée au règlement
Bruxelles I si elle en avait eu l'occasion (Cass. 1re civ., 30 janv. 2013, nº 11-24753). L'élément d'extranéité requis ne se
confond toutefois pas avec les deux critères d'application de l'article 23 du règlement Bruxelles I d'autant que, lors de

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