Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e - 72

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX, DU PACS ET DU CONCUBINAGE
volonté individuelle source d'obligations, discerne assez volontiers des « contrats tacites » là où il faut
une bonne dose d'imagination pour en trouver un. Sans doute, est-ce l'héritage romain des « quasicontrats
». Présentement, la jurisprudence de la Cour de cassation a bien eu l'occasion de déclarer
qu'il existait parfois des « conventions d'assistance » en cas de service rendu à un ami, durant
lequel se produit un accident. De même, la dévolution successorale légale est assez volontiers
conçue comme étant une volonté tacite du défunt3
.
La vérité oblige à reconnaître que la loi impose ici aux époux un régime àdéfaut de toute expression
de volonté de leur part. À proprement parler, les époux ne choisissent nullement, même tacitement,
de reprendre à leur compte le régime de communauté. C'est justement parce qu'ils ne se soucient
en rien de ce régime que la loi leur en impose un. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux
termes de la loi. « La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions
spéciales,... » (C. civ., art. 1387) ; « À défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de
communauté... » (C. civ., art. 1393, al. 2).
La communauté a une histoire fort ancienne4
, mais on est en droit de se demander si elle n'est pas
en train de connaître des modifications si profondes que sa nature n'en soit, à bref délai, profondément
renouvelée.
L'honnêteté obligeà dire quenous nesavons rien deprécis de l'origine de la communauté. Ce qu'il y
ade certain c'est qu'àcompter du XIII
e siècle, elle devient de règle dans les pays coutumiers. Les
premiers coutumiers rédigés sous le règne de saint Louis en font état comme une pratique déjà
assise depuis longtemps, mais il semble qu'àl'époque la communauté n'était que de meubles.
Communauté sur laquelle, est-il besoin de le dire, le mari exerce un pouvoir tout
puissant. Néanmoins, et l'on soulignera cet élément en contemplation du droit actuel, lorsqu'il s'agissait
de l'aliénation d'un immeuble, le mari devait obtenir le consentement de l'épouse.
Peu à peu, la communauté prit de l'ampleur. Ainsi sa masse s'accrut desimmeublesconquêts(le mot
est synonyme d'acquêts). Par ailleurs, c'est le mari qui en devint le « seigneur et maître », la femme
perdant tout droit dans l'administration et même dans la disposition des biens communs. On aboutit
à cette situation plus que surprenante à savoir que la communauté était un élément du patrimoine
du mari. Sur la communauté, il a les mêmes droits que sur ses propres et ses créanciers de même.
Évoquant les droits de la femme sur la communauté, Pothier pouvait écrire dans son Traité de la
communauté (no
407) : « Le droit de la femme sur les biens de la communauté n'est, pendant qu'elle
dure, qu'un droit informe, puisque non seulement elle ne peut seule et d'elle-même disposer en rien
de la part qu'elle y a, mais que c'est son mari qui, en sa qualité de chef de la communauté, a seul,
tant qu'elle dure, le droit de disposer comme de sa propre chose, de tous les effets qui la composent,
tant pour la part de sa femme que pour la sienne, sans être comptable ».
Cette situation léonine conduisit alors les juristes à rééquilibrer la communauté (qui n'en était plus
tout à fait une) par des garanties au profit de la femme. Ceci est important car du XVI
e siècle à 1965,
la communauté devint un régime où le pouvoir abusif du mari était contrebalancé par des garanties
dont la femme était l'unique bénéficiaire. Il y avait un conjoint privilégié,le mari, et un conjoint
protégé,la femme.
3. B. BEIGNIER, Libéralités et successions, Montchrestien, coll. Cours, 2012.
4. LÉVY et CASTALDO, op. cit.,no
1079 s. Sur l'histoire du régime matrimonial, il faut se reporter à l'œuvre, sans doute ancienne mais toujours utile, de
Charles Lefebvre. D'une part, L'histoire du droit matrimonial français : introduction générale (Paris, 1906) et, d'autre part, Le droit des gens
mariés (Paris, 1908). Pour le régime de communauté proprement dit, on se lira un article classique d'A. LEMAIRE, « Les origines de la communauté
de biens entre époux dans le droit civil coutumier français », RHD 1928. 584. BRISSET J., L'adoption de la communauté comme régime légal dans
le Code civil, Travaux et recherches de la Faculté de droit de Paris, PUF, 1967, préface de P. Timbal.
72
Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e

Table des matières de la publication Cours - Droit des régimes matrimoniaux, du PACS et du concubinage - 7e
