Guide Pratique - Les nullités de procédure pénale - 2e - 108

LES NULLITÉS DE PROCÉDURE PÉNALE

c'est moins l'atteinte que la manière dont cette atteinte a été autorisée ou commise qui justifie la nullité. À titre d'exemple, la CEDH montre très bien ses exigences s'agissant des droits protégés par l'article 8 de la Convention
EDH. L'article 8 § 2 dispose que l'ingérence doit être prévue par la loi et constituer une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la
défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de
la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés. Lorsqu'un acte
de procédure pénale met en cause ou porte atteinte à un droit protégé par l'article 8 de la Convention EDH, l'appréciation du bien-fondé du grief conduit le
juge à apprécier la prévisibilité, la nécessité et/ou la proportionnalité de l'atteinte portée à ce droit.
La prévisibilité de l'atteinte dépend de la qualité de la base légale (accessibilité,
précision...), laquelle renvoie aux textes mais aussi à la jurisprudence30.
La nécessité de l'atteinte est plus difficile à apprécier. En soi, la défense de l'ordre et
la prévention des infractions pénales sont des objectifs reconnus comme légitimes
par l'article 8 de la Convention EDH. Mais le juge contrôle si l'atteinte était nécessaire pour parvenir à cet objectif. Les États contractants jouissent d'une certaine
marge d'appréciation pour évaluer cette nécessité31.
La proportionnalité de l'atteinte32 est liée à sa nécessité puisque celle-ci implique
une ingérence fondée sur un besoin social impérieux et proportionnée au but légitime recherché33. Lorsque des actes attentatoires aux droits protégés par l'article 8
de la Convention EDH ont un impact sur le secret professionnel des avocats, l'exigence de proportionnalité renvoie à l'existence de garanties spéciales de
procédure34.
L'appréciation de la prévisibilité, de la nécessité et/ou de la proportionnalité de l'atteinte est valable mutatis mutandis pour les autres droits protégés par la Convention
EDH. À titre d'exemple, l'usage de la force physique qui n'est pas rendu strictement
nécessaire par le comportement de la personne privée de sa liberté porte atteinte à
la dignité humaine et constitue une violation du droit garanti par l'article 335 ; une
garde à vue ne doit pas priver une personne de sa liberté d'une manière injustifiée
30. Pour la critique de la prévisibilité de la loi pénale française, v. CEDH, 24 avr. 1990, Huvig c/France,
nº 11105/84 - Kruslin c/France, nº 11801/85 - 31 mai 2005, Vetter c/France, nº 59842/00.
31. V. Cass. crim., 22 févr. 2017, nº 16-82412 (B). L'article 78 du Code de procédure pénale ne permet pas à l'OPJ
autorisé par le procureur de la République de contraindre une personne à comparaître par la force publique, de
pénétrer de force dans un domicile, une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales
spécifiques confiant à un juge le soin d'en apprécier préalablement la nécessité.
32. La question de la disproportion de l'atteinte portée à un droit fondamental se retrouve également dans la jurisprudence constitutionnelle. V. par ex. Cons. const., 4 déc. 2013, déc. no 2013-679 DC, cons. 77 - déc.
no 2014/420/421 QPC du 9 oct. 2014, cons. 13 - déc. no 2014-428 QPC du 21 nov. 2014, cons. 14. Comp.
art. 39-3 CPP issu de la loi nº 2016-731 du 3 juin 2016 évoquant le contrôle de la proportionnalité des actes
d'investigation.
33. V. par CEDH, 2 avr. 2015, Vinci et Construction et GTM génie civil et services c/France, no 63629/10 et
no 60567/10.
34. V. CEDH, 24 juill. 2008, André c/France, no 18603/03 - 6 déc. 2012, Michaud c/France, no 12323/11.
35. V. par ex. CEDH, 28 juill. 1999, Selmouni c/France, no 25803/94, § 99.

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