Grands Colloques - Droit et surnaturel - 131

DROIT, FÉTICHISME ET SORCELLERIE EN AFRIQUE

123

divination, les oracles familiaux et bien entendu les ordalies76. Il admet par
ailleurs un arsenal très varié de sanctions, au nombre desquelles figurent
des peines collectives, telle la guerre qui peut être déclarée entre les communautés (familles, clans, villages), mais aussi des peines individuelles plutôt
classiques (emprisonnement, pénalités financières, confiscation de biens) ou
plus originales et infamantes (malédiction, rites purificatoires, ostracisme,
mépris, châtiments corporels divers, mutilation... voire mise à mort)77. Si
certaines de ces sanctions sont manifestement incompatibles avec les droits
de l'homme et la conception que le droit contemporain a de la rétribution
pénale, il convient de préciser que les juridictions coutumières n'en font
actuellement que très prudemment application78, privilégiant bien des fois
la conciliation et la réparation par compensation des dommages éventuellement causés79. Enfin, sur le plan de la procédure, le droit pénal coutumier
garantit aux personnes accusées de sorcellerie une relative protection procédurale faite, notamment, du droit de se défendre ou de celui, lorsque la
preuve se fait par voie de divination, d'être assurées que le devin désigné
par le tribunal sera le plus impartial possible, parce que, par exemple, choisi
dans un lieu le plus éloigné de la communauté ou du lieu de survenance
des faits de sorcellerie à l'origine du procès80.
Comme le droit pénal traditionnel, le droit pénal moderne, dans certains
États, sanctionne ou sanctionnait dans un passé récent les faits de sorcellerie par le biais d'une incrimination spécifique81. Il s'agit ici d'un héritage
de la législation coloniale française, spécialement de l'article 2 du décret
d'application du 19 décembre 1947 pris en vertu de la loi-cadre de 1946 qui
érigeait en infraction dans les colonies les pratiques de magie, de charlatanisme et de sorcellerie, sans donner plus de précisions quant à leur
76. Voy. not. G. Cuniberti, Grands systèmes de droit contemporains, 2e éd., op. cit., n° 783 ;
F. Lafargue, Religion, magie et sorcellerie des abidji en Côte d'Ivoire, op. cit., p. 199 et s.,
291, 294 ; H. Ludsin, « Cultural denial: what South Africa's treatment of witchcraft says
for the future of its customary Law », art. préc., p. 79 ; J. Pradel, Droit pénal comparé, 3e
éd., no 187, 766 ; M. Raynal, op. cit., p. 69-70, 179, 217 et s.
77. M. Raynal, op. cit., p. 278 et s. ; et adde H. Ludsin, art. préc., p. 83, 86.
78. Cela peut s'expliquer par la présence dans les instances coutumières chargées de dire
le droit traditionnel des représentants de l'État (parquet, préfectures, gouvernorats...) et
par la présence d'assesseurs (notables, chefs coutumiers, etc.) ou d'experts en coutumes
dans les juridictions modernes appelées le cas échéant à appliquer la coutume. Voy. not.
R. Legeais, Grands systèmes de droit contemporains. Approche comparative, 2e éd., Litec,
2008, nos 407 et s.
79. B. Wikha Tshibinda, La Constitution congolaise ne reconnaît pas la sorcellerie, op. cit.,
p. 16 et s. ; analysant deux décisions rendues par les autorités coutumières des chefferies de
Kaponda et Chindaika dans le Haut-Katanga.
80. H. Ludsin, art. préc., p. 84, 86.
81. V. not., très illustratif, M. Mathe, « La justice face à la sorcellerie », Rec. Penant 1976
(311-326).
Grands Colloques - Droit et surnaturel

Table des matières de la publication Grands Colloques - Droit et surnaturel
