Mémentos - Droit des libertés fondamentales - 5e - 81

CHAPITRE 4 - La Constitution
79
l'interprétation d'une disposition européenne. En l'espèce, le requérant conteste le
régime des plus-values placées en report d'imposition. Il s'inspire d'une récente décision
du Conseil constitutionnel27
, dans laquelle le Conseil censure pour la première
fois une discrimination à rebours en constatant que l'article 145 du Code général des
impôts (CGI), qui procède à l'exclusion de la déduction du bénéfice net total de la
société mère des produits des titres de participation auxquels aucun droit de vote
n'est attaché, est seulement applicable aux produits des titres de participation de
sociétés établies en France. Pour cette raison, il s'agit d'une rupture d'égalité contraire
à la Constitution, car sans rapport avec l'objet de la loi. Dans cette lignée, le requérant
invoque dans l'affaire Jacob une méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité
en raison d'une discrimination à rebours due à l'application du régime d'imposition de
ces plus-values. La situation de M. Jacob étant purement interne, la rupture d'égalité
est selon lui issue de l'inapplication du dispositif fiscal litigieux aux situations transnationales,
en raison de son incompatibilité avec le droit européen. Il en résulterait une
mise à l'écart de l'imposition dans les situations transnationales et non dans les situations
purement nationales.
La principale différence entre l'affaire Metro Holding et l'affaire Jacob est que dans ce
dernier cas, la reconnaissance du caractère sérieux de la QPC dépend de l'interprétation
de dispositions européennes. En raison de la difficulté d'interprétation de la directive
« fusions » (directive 90/434/CE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun
applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des
sociétés d'États membres différents) applicable en l'espèce, le Conseil d'État ne parvient
pas à interpréter le droit français conformément au droit de l'Union (comme il le fait
depuis l'arrêt du 15 décembre 2014, Société Technicolor), ce qui l'empêche de renvoyer
la QPC au Conseil constitutionnel comme dans l'affaire Metro Holding28
. La haute
juridiction décide dans l'affaire Jacob de poser une question préjudicielle à la cour de
justice afin de savoir si les dispositions fiscales doivent être laissées inappliquées dans
les situations transnationales, et de rejeter la QPC faute de caractère sérieux, dans
l'attente de la décision préjudicielle. C'est en effet seulement si la loi française est
incompatible avec la directive dans les situations transnationales que la discrimination à
rebours est constituée. Ce rejet de la QPC n'a toutefois pas l'autorité de la chose jugée
puisque « dans le cas où, à la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union
européenne, le requérant présenterait à nouveau au Conseil d'État la question
prioritaire de constitutionnalité invoquée, l'autorité de la chose jugée par la présente
décision du Conseil d'État ne ferait pas obstacle au réexamen de la conformité à la
Constitution des dispositions [contestées] » (arrêt Jacob, § 17).
Finalement, la question préjudicielle peut bien être posée à tout moment, même avant
une QPC : « Les dispositions [...] de l'ordonnance nº 58-1067 du 7 novembre 1958
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ne font pas obstacle à ce que le
juge administratif, juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne,
en assure l'effectivité, soit en l'absence de question prioritaire de constitutionnalité,
soit au terme de la procédure d'examen d'une telle question, soit à tout moment
--
27. Cons. const., 3 févr. 2016, nº 2015-520 QPC, Société Metro Holding France SA venant aux droits de la
société CRFP Cash [Application du régime fiscal des sociétés mères aux produits de titres auxquels ne
sont pas attachés des droits de vote].
28. CE, 12 nov. 2015.
Mémentos - Droit des libertés fondamentales - 5e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit des libertés fondamentales - 5e
