Droit et Économie - L'avenir de l'Union économique et monétaire : une perspective franco-allemande - 79

LA CONSTITUTION MONÉTAIRE DE L'UNION EN DÉBAT 79

économique et monétaire, qui se jouent également au plan contentieux19.
C'est dans l'espace de confrontation doctrinale d'une logique économique
à une technique jurisprudentielle d'interprétation d'un projet par essence
politique que s'observera le degré d'ouverture de la règle européenne aux
choix de politique économique et monétaire. Mesurer par le biais du
concept de constitution économique et monétaire la place respective de
« la règle et du choix »20 suppose d'abord de revenir sur les théories économiques de la monnaie et de l'intégration monétaire car ces différents
modèles constituent assurément un outil d'explication du droit primaire
de l'UEM.
La thèse d'une influence supposée de l'ordolibéralisme sur la mise en place
de l'Union économique et monétaire en 1992 s'appuie sur l'analogie existante entre les quelques principes monétaires partagés par les Ordolibéraux et les dispositions consacrées dans le traité de Maastricht (§ I).
Elle mérite toutefois d'être largement relativisée à l'aune des négociations
qui précédèrent le traité. Celles-ci montrent à l'évidence que la voie de l'intégration monétaire se justifiait bien moins par des théories économiques
que par un choix politique (§ II).
Si le droit primaire de l'UEM porte ainsi la marque de principes monétaires
compatibles avec la doctrine ordolibérale, il porte aussi l'empreinte du
consensus politique consistant à faire de l'UEM un moyen au service de
l'Union politique (§ III).
Aux prises avec les nécessités de résoudre la crise financière, et en vue de
préserver la finalité supérieure de l'Union monétaire, les politiques monétaires de l'Union ont pu, sous l'onction de la Cour de justice et malgré de
vives critiques de la doctrine allemande, s'écarter des préceptes économiques qui commandaient les règles du traité de Maastricht. Cela nous
19. V. la dernière question préjudicielle adressée à la Cour de justice par la Cour constitutionnelle allemande sur le programme d'achat d'actifs (Quantitative Easing) : Bundesverfassungsgericht, 18 juill. 2017, 2 BvR 859/15.
20. L'expression est employée dans une perspective très critique du cadre alors mis en place avec
l'UEM par FITOUSSI J.-P., La règle et le choix. De la souveraineté démocratique en Europe, Paris, Seuil,
La République des Idées, 2002. Mais on retrouve exactement le même questionnement,
mené évidemment dans une perspective radicalement opposée (ordolibérale), sous la
plume du juriste allemand, MESTMÄCKER E.-J. : « Regeln oder Entscheidungen » (« Wirtschaftsordnung und Staatsverfassung », in SAUERMANN H. et MESTMÄCKER E.-J. (dir.), Wirtschaftsordnung
und Staatsverfassung, Festschrift für Franz Böhm zum 80 Geburtstag, Tübingen : J.C.Mohr, 1975,
p. 383-419, spéc. p. 415). Plus généralement, sous l'angle du constitutionnalisme économique : KYDLAND F. E., PRESCOTT E. C., « Rules rather than Discretion : The inconsistency of
optimal plans », Journal of Political Economy, 1977, 85 (3), June, p. 473-492, cité par
MARTUCCI F., « L'utilisation des faits économiques dans l'Union économique et monétaire :
une approche théorique d'un droit de la politique économique », préc., p. 96 avec de plus
amples références.

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