Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 190

pouvoirs exceptionnels sur le fondement de l'article 16 C28
. Ces deux limitations se justifient précisément
par le fait de stabiliser la norme suprême en période de tensions politiques et institutionnelles.
Ces réserves, mentionnées pour partie à l'article 118, sont apposées, théoriquement, au pouvoir constituant
dérivé, lequel est chargé de réviser la Constitution en suivant une procédure spéciale décrite par ce
texte, différente d'une procédure législative classique. La Constitution est alors dite « rigide ». Toutefois,
ces limitations s'imposent- elles véritablement au pouvoir constituant (lequel, même dérivé ou institué, est
souverain ; il s'agirait alors de la reconnaissance de la supraconstitutionnalité) ou ne sont- elles que des
barrières de papier (Joseph- Barthélémy) que le pouvoir constituant choisit librement de respecter ? Pour
le Conseil constitutionnel, « le pouvoir constituant est souverain »29
mais il évoque tout de même des
« limitations qui résultent des articles 7, 16 et 89 » et qui pourraient alors borner le pouvoir constituant.
En tout état de cause, le juge a clairement repoussé sa compétence pour contrôler les lois constitutionnelles30
.
Pour terminer sur ce point, il convient de noter que la notion même de loi constitutionnelle est
ambiguë car elle renvoie aussi bien à la loi qui établit une nouvelle Constitution qu'à celle qui la révise.
Ainsi, l'article 118, en renvoyant aux alinéas 4 et 5 de l'article 89 C, réaffirme la portée des règles limitant
l'objet même des révisions. Les alinéas 2 et 3 de l'article 89 C, tout comme d'ailleurs les autres dispositions
renvoyées dans le présent article sont relatives, plus précisément, à la procédure.
Les éléments dérogatoires à la procédure législative ordinaire - notamment pour les projets de loi de
révision constitutionnelle - sont assez nombreux. Cela tient à la forte charge symbolique des révisions
constitutionnelles qui s'explique elle- même par leur objet (c'est la norme suprême d'un État qui peut être
retouchée), par leur rareté mais aussi parce que, dans ce cas de figure, le droit d'initiative est partagé non
pas classiquement, entre le Premier ministre et les membres du Parlement (v. art. 39, al. 1 C), mais entre
le président de la République et les parlementaires. En effet, l'article 89 alinéa 1 C (qui est délibérément
exclu de l'inventaire de l'art. 118 al. 1 RAN) expose clairement ce partage inédit. Le chef de l'État exerce
ce droit dans le cadre d'un pouvoir partagé avec le chef du gouvernement qui défend (lui ou le garde
des Sceaux) le projet de loi, ensuite, au cours des différentes étapes de la discussion.
Il convient d'identifier le déroulement classique d'une discussion législative ordinaire tout en soulignant,
à de nombreuses reprises donc, les dérogations existantes.
La phase préparatoire de la procédure d'examen des révisions constitutionnelles. Ainsi, lorsqu'un
texte visant à réviser la Constitution est déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, il ne devra pas
être accompagné d'une étude d'impact, ce qui est certes le principe pour une proposition de loi, mais
pas pour un projet de loi, en application de l'article 11 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.
Plusieurs éléments l'expliquent, comme le fait que le projet de loi de révision constitutionnelle provienne
du chef de l'État (qui serait sommé, d'une certaine manière sinon, de justifier son initiative) ou encore le
fait que les rubriques types d'une étude d'impact soient trop génériques et s'adapteraient avec difficulté
28. Sur ce point précis, c'est le Conseil constitutionnel qui a procédé à une interprétation dans sa décision n° 92-312 DC du
2 sept. 1992, Traité sur l'Union européenne (cons. 19 ; Rec., p. 76).
29. « (...) il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il
estime appropriée ; qu'ainsi rien ne s'oppose à ce qu'il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui,
dans le cas qu'elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ; que cette dérogation peut être aussi
bien expresse qu'implicite » : ibid.
30. 26 mars 2003 : « le Conseil constitutionnel ne tient ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la
Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle » : Cons. const., 26 mars 2003, n° 2003-469 DC, Révision
constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République (cons. 2 ; Rec. p. 293).
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