Hors collection - Règlement de l'Assemblée nationale commenté - 310

Ainsi, avec l'avènement du suffrage universel, ce droit de pétition va progressivement s'appauvrir et tomber
en désuétude. La République continue pourtant de le promouvoir, au moins dans ses textes. L'ordonnance
du 17 novembre 1958 le fait figurer dès son article 4, sur un ton de défiance :
« Il est interdit d'apporter des pétitions à la barre des deux assemblées parlementaires.
Les règlements de ces deux assemblées fixeront les conditions dans lesquelles des pétitions écrites pourront
être présentées.
Toute infraction aux dispositions des alinéas qui précèdent, toute provocation par des discours proférés
publiquement ou par des écrits ou imprimés affichés ou distribués à un rassemblement sur la voie publique
ayant pour objet la discussion, la rédaction ou l'apport à l'une des assemblées parlementaires de pétitions,
déclarations ou adresses, que la provocation ait été ou non suivie d'effet, sera punie de six mois
d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende. »
Traiter du droit de pétition sous l'angle du respect de l'ordre public est toutefois révélateur d'autre chose
que la crainte que continue alors d'inspirer le peuple de Paris : ce droit est un droit révolutionnaire, relevant
d'un droit naturel. Les règles qui l'encadrent sont donc minimales - et libérales. Elles font l'objet de cinq
articles du Règlement et de la section d'un article de l'Instruction générale du Bureau.
Il est d'ailleurs significatif que ce droit ait été réactivé par la résolution du 4 juin 2019, qui a modifié
l'ensemble des cinq articles composant le chapitre VIII, et que, parallèlement, ce droit soit sensiblement
étendu auprès du Conseil économique, social et environnemental dans le cadre de la réforme organique
du 15 janvier 2021. En effet, les autorités constituées ont pu éprouver, à l'occasion de la crise des « Gilets
jaunes », l'impérieuse nécessité de renouveler l'exercice démocratique par une meilleure canalisation des
revendications émanant du peuple et une meilleure prise en compte de ses aspirations. Le droit de pétition
entame- t-il une seconde jeunesse ?
Le règlement de l'Assemblée traite du statut des pétitions qui lui sont adressées sous un angle triple : les
conditions de recevabilité des pétitions, leur publicité à l'intérieur de l'Assemblée, et enfin leur traitement
par ses organes.
L'article 147 traite de la recevabilité des pétitions. Son texte initial impliquait que les pétitions soient
adressées par courrier au président de l'Assemblée nationale. La résolution du 4 juin 2019 indique qu'elles
sont désormais adressées « par voie électronique » (art. 147 al. 1), ce qui est censé, selon le rapporteur,
leur permettre d'« être soutenues par un nombre plus conséquent de pétitionnaires »218
. Par ailleurs, la
mention selon laquelle les pétitions « peuvent également être déposées par un député » a disparu du
Règlement, le rapporteur considérant cette pratique « inusitée, les députés disposant d'autres moyens
d'intervention plus appropriés »219
. De fait, si cette disposition, qui figurait à l'article 144 du Règlement
initial de l'Assemblée nationale de 1959, article adopté sans débat lors de la séance du 2 juin 1959, n'avait
guère été utilisée, elle signifiait qu'à l'instar de n'importe quel citoyen, le député pouvait se saisir de ce
droit traditionnellement reconnu à tous. Elle pouvait également être comprise comme mettant les députés
face à leur responsabilité de représentants de la Nation, en « canalisant », en quelque sorte, l'exercice de
ce droit par la mention signée par le député, « en marge », du dépôt de la pétition220
. Mais un épisode
intervenu en 2011 est venu rappeler qu'un député ne pouvait utiliser ce droit pour contourner les règles
218. Rapport AN n° 1955 sur la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale (comm. des
lois, rapp. S. Waserman), 22 mai 2019, p. 26.
219. Ibid., p. 162. Bien qu'il n'y soit pas fait mention, la mise en place du référendum d'initiative partagée vient, de toute évidence,
contrebalancer la suppression du droit de pétition des députés. À noter que l'article 5, 3°, a) IGB mentionne toujours cette faculté.
220. Art. 144 al. 1 initial du RAN. Au Royaume- Uni, le dépôt d'une pétition par un parlementaire est une formalité obligatoire.
310 · RÈGLEMENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE COMMENTÉ

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