Droit du paiement - Le paiement des dettes - 75

Cha p i t r e 2 - L a r é a l i s at i o n du p ai emen t
réalisé par le débiteur entre les mains du cédant est libératoire, et le débiteur ne peut
invoquer l'acte de cession pour refuser de s'exécuter envers lui221
.
176 Postérieurement à l'accomplissement des formalités d'opposabilité - À partir du
moment où la cession est devenue opposable au débiteur cédé, le cédant perd ses
droits contre lui et le débiteur se trouve engagé envers le cessionnaire. Ce dernier peut
alors agir en paiement contre le débiteur ou continuer une action en paiement engagée
par le cédant antérieurement à la cession de créance222
. De surcroît, un paiement fait
entre les mains du cédant ne serait pas libératoire et le débiteur s'exposerait à devoir
payer une seconde fois si le cessionnaire le lui demandait.
β) L'opposabilité des exceptions au paiement
177 Justification et limite - Le principe d'opposabilité des exceptions au paiement par le
débiteur cédé, exposé à l'article 1324, alinéa 2 du Code civil, trouve sa justification dans
le transfert de propriété de la créance et de ses composantes223
.
Malgré ce principe, toutes les exceptions au paiement ne sont pas opposables et
l'article 1324, alinéa 2 du Code civil distingue selon l'exception en cause. On retrouve
alors la même différenciation qu'en matière de subrogation224
.
178 Exceptions opposables - Entrent dans la catégorie des exceptions opposables, d'une
part, les exceptions inhérentes à la dette225
tion, la résolution226
, telles que la nullité, l'exception d'inexécuou
la compensation des dettes connexes et, d'autre part, les exceptions
nées des rapports du débiteur avec le cédant antérieurement à l'opposabilité de la
cession au débiteur. À ce titre, le texte cite l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la
compensation des dettes non connexes. Cependant, ces énumérations légales ne sont
pas exhaustives et l'on peut ajouter, par exemple, à la première série d'exceptions, la
rescision pour lésion, la prescription, ou le paiement.
179 Exceptions inopposables - En revanche, une interprétation a contrario permet de
considérer que ne sont pas opposables au cessionnaire les exceptions personnelles au
cédant, ni celles nées des rapports du débiteur et du cédant postérieurement à la date
d'opposabilité de la cession au débiteur.
(221) Cass. 1re
civ., 12 juin 1985, Bull. civ. I, nº 95. Le cédant qui a reçu le paiement du débiteur cédé doit rétrocéder la
somme reçue au cessionnaire.
(222) Cass. 1re civ., 22 sept. 2011, nº 09-16198.
(223) V. supra.
(224) V. supra.
(225) Sans que l'on distingue selon leur date d'apparition par rapport à la notification de la cession au débiteur ou de la
prise d'acte par lui. V. en ce sens, Cass. com., 12 janv. 2010, nº 08-22000, JCP G 2010, 972, obs. A.-S. Barthez ;
JCP E 2010, 1497, note R. Marty ; RDC 2010, p. 834, obs. Y.-M. Laithier ; RTD civ. 2010, p. 106, obs. B. Fages :
« le débiteur peut invoquer contre le cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette même si elles sont apparues
postérieurement à la notification de la cession ». Pour une application à la compensation de dettes connexes,
v. Cass. 3e
civ., 12 juill. 1995, nº 93-18182 : le débiteur cédé a été admis à opposer au cessionnaire la compensation
d'une dette connexe dont le cédant était tenu à son égard alors même que les conditions de la compensation
n'avaient pas été réunies avant la date d'opposabilité de la cession. Pour une critique de cette admission,
v. A. Hontebeyrie, « La compensation », in Le nouveau régime général des obligations, (dir.) V. Forti et L. Andreu,
Dalloz, p. 151 et s., spéc. p. 155 et 156. Sur la notion d'exception inhérente à la dette, v. F. Danos, « La notion
d'exception inhérente à la dette », D. 2017, p. 1319.
(226) V. toutefois dans une hypothèse de cession de créance professionnelle, la Cour de cassation a cassé une décision
du fond pour avoir rejeté la fin de non-recevoir invoquée par le cessionnaire tirée de son défaut de qualité pour
défendre à la demande de résolution du contrat (Cass. com., 15 mai 2019, nº 17-27686. Précisément, dans cette
affaire, une cour d'appel avait retenu que « le mécanisme de la cession de créance induit que le cessionnaire, qui
obtient la propriété de la créance, vient aux droits et obligations du cédant, de sorte qu'il n'est nullement tiers à
l'opération et que le débiteur cédé peut lui opposer les différentes exceptions inhérentes à la créance, sans avoir à
appeler le cédant en cause, le cessionnaire pouvant toujours l'appeler en garantie ». Les Hauts magistrats cassent
l'arrêt d'appel, au motif qu'« en statuant ainsi, alors que la cession d'une créance ne confère pas au cessionnaire
qualité pour défendre, en l'absence du cédant, à une demande de résolution du contrat dont procède cette
créance, la cour d'appel a violé les articles 32 et 122 du Code de procédure civile, ensemble les articles L. 31327
et L. 313-29 du Code monétaire et financier ».
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http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=08-22000 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=93-18182
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