Hors collection - L'audition libre : de la pratique à la réforme - 158

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L'AVèNEMENt D'uNE rÉforME StruCturELLE

condition principale ne se trouve ainsi pas remplie. Si, au contraire, il s'avère
que des soupçons existent à l'égard de l'individu, ou si ceux-ci viennent à
apparaître au cours d'une audition libre, il faudra soit auditionner l'individu
sous le régime renforcé de l'audition de la personne soupçonnée, soit opérer,
comme le prévoit l'alinéa 3 de l'article 62 du Code de procédure pénale, un
placement en garde à vue si cette mesure s'avère le seul et unique moyen de
remplir l'un des objectifs de l'article 62-2 du Code de procédure pénale et
qu'une peine d'emprisonnement est encourue. L'articulation des différents
régimes d'audition se fait donc sur la base de trois critères a priori clairs :
l'existence de soupçons pesant sur l'individu, les nécessités de l'enquête et,
pour finir, la qualification pénale applicable au comportement de l'individu.
En adoptant ce schéma d'organisation, largement inspiré des réserves
d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision
du 18 novembre 201111, la réforme du 27 mai 2014 est venue proposer une
articulation nette des régimes de l'audition libre, de la garde à vue et de
l'audition du suspect libre qu'elle avait elle-même créée.
La situation des individus soumis à ces auditions se trouve donc clarifiée
et ce, d'une manière qui n'est pas sans rappeler les distinctions faites au stade
de l'instruction judiciaire.
Une volonté de mise en cause graduée et progressive de l'individu. une
telle organisation du système des auditions de l'enquête policière s'apparente, sans que celui-ci n'ait été expressément retenu comme modèle, au
mouvement constaté au sein de l'instruction pénale avec la création du statut
de témoin assisté12. Ce dernier statut est venu combler le vide, autrefois
exploité par les juges d'instruction13, entre le simple témoin, dépourvu de
droits et obligé de prêter serment de dire la vérité, et le mis en examen,
assisté d'un avocat et bénéficiant de l'accès au dossier. Il y avait derrière ce
mouvement une volonté d'organiser la mise en cause graduée et progressive
de l'individu au sein de la procédure pénale tout à fait comparable au travail
effectué par le législateur avec la loi du 27 mai 2014.
Une structuration parallèle des droits et contraintes des individus. Le
parallèle entre ces deux phases de l'instruction pénale au sens large est
également marquant quant aux droits attribués aux individus. En effet, le
11. Cons. constit. 18 novembre 2011, préc. ; la décision était venue préciser le régime de
l'audition libre lorsque venait à apparaître des soupçons à l'encontre de l'individu.
12. par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000. V. sur ce point : Ch. Guéry, « L'avenir du
suspect », AJ Pénal 2005, 232.
13. La technique était classique et consistait à retarder au maximum la mise en examen
d'un suspect afin de le priver d'accès au dossier et de l'auditionner tout au long de cette
période en tant que simple témoin contraint de prêter serment.

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